jeudi , 24 octobre 2024

Hôtel du Grand Cerf

Auteur: Franz Bartelt

Editeur: Seuil – 2017 (352 pages)/Points – 2018 (360 pages)

Prix Mystère de la Critique 2018

Lu en septembre 2024

Mon avis: Reugny, village des Ardennes belges à un jet de pierre de la frontière française.

Reugny, ses sentiers de randonnée, son Centre de Motivation prisé des chefs d’entreprise impitoyables qui y envoient leurs employés s’affronter dans des compétitions tout aussi impitoyables, son Hôtel du Grand Cerf transmis de génération en génération, pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que mort s’ensuive si nécessaire.

Reugny, son idiot du village, ses habitants qui ont tous quelque chose de plus ou moins moche à cacher, son douanier honni qui ne le sait que trop bien et prend des notes sur tout le monde.

Bref, Reugny, un village au charme bucolique et paisible.

Jusqu’au jour où le douanier précité se fait méchamment décapité.

C’est alors qu’entre en scène l’inénarrable inspecteur Vertigo Kulbertus, à 15 jours de la retraite, aussi volumineux et délicat qu’un bulldozer, et presque aussi bruyant, puisqu’il vocifère, rote ou pète à qui mieux mieux, selon le moment de la journée. Parce que quand il n’enquête pas, Vertigo Kulbertus boit de la bière et mange des frites quatre fois par jour avec, selon l’heure, des boulettes, du cervelas, des fricadelles ou du steak (vous aurez noté une certaine méthode, puisqu’il mange ces différents aliments carnés dans l’ordre alphabétique).

Bref, donc, quoi que vous en pensiez (mauvais esprits), l’enquête est entre de bonnes mains, et c’est tant mieux, parce que d’autres cadavres ne vont pas tarder à se bousculer au portillon. Heureusement, l’inspecteur va pouvoir compter sur la complicité de Nicolas Tèque, journaliste qui – par hasard – se trouve sur les lieux pour un reportage sur Rosa Gulingen, actrice mondialement connue et morte 40 ans plus tôt dans des circonstances pas tout à fait claires – devinez où – à l’Hôtel du Grand Cerf.

Mais la vraie vedette de ce roman, c’est bien sûr Vertigo Kulbertus, qui prend toute la place, au propre (même s’il est répugnant, en fait) et au figuré.

Avec ses méthodes peu orthodoxes, le bougre cache bien son jeu et se révèle beaucoup plus fin et subtil qu’il n’y paraît. Passé, présent, histoires de famille et de voisinage, tout est imbriqué et Kulbertus tire le fil de la pelote pour mettre au jour les tréfonds de la noirceur humaine.

C’est noir, drôle, cynique, parfois trash et outrancier, intelligent, diablement bien construit et maîtrisé. Jubilatoire.

Présentation par l’éditeur:

Un assassinat et une disparition agitent un village ardennais : ce sera l’ultime affaire de l’inspecteur Kulbertus. Depuis l’Hôtel du Grand Cerf, Kulbertus enquête, Kulbertus montre à tous qu’il comprend les magouilles. Kulbertus mange, aussi, alors que les cadavres s’accumulent. Et un journaliste, sur la piste d’une actrice décédée quarante ans plus tôt, se retrouve sans le vouloir sur celle des drames récents. Le mystère s’épaissit alors que la retraite, elle, semble toujours s’éloigner.

Une citation:

Ah, les temps ont changé! L’homme s’est laissé corroder par la crise. Le voilà qu’il se projette dans l’avenir, qu’il économise pour les lendemains, qu’il a la prétention de voir loin, qu’il se vante de spéculer à la Bourse. Moi je leur dis, à ces blaireaux, est-ce que vous croyez que le bonheur vous attend quelque part dans l’avenir? L’avenir, ça n’existe pas. Même quand on a des enfants. C’est les miroirs qui ont raison: Ils ne reflètent que le présent. Et encore, quand il y a de la lumière.

Evaluation :

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