Auteur: Elena Ferrante
Editeur: Folio – 2017 (640 pages)
Lu en novembre 2019
Mon avis: Le nouveau nom, c’est celui de Lila, désormais Mme Carraci, que l’on avait quittée à la fin du premier tome au soir de ses noces. Un jour de fête ruiné lorsque Lila comprit que son mari l’avait trahie en s’associant avec les frères Solara, mafieux ayant la mainmise sur tout le quartier. Malgré sa haine, Lila garde la tête haute. Après tout, elle a voulu ce mariage un peu par affection, beaucoup parce qu’il est censé l’extirper enfin de la pauvreté de son enfance. Son amie Elena rêve aussi d’ascenseur social mais utilise d’autres moyens : elle continue ses études, au lycée puis à l’université à Pise.
Un été, Lila et Elena se retrouvent en vacances ensemble à Ischia. Sous le soleil brûlant, Lila découvre l’amour et la passion, au grand dam d’Elena. Une passion dévorante, qui ne fera qu’aggraver la tendance de Lila à l’auto-destruction.
Pendant ces quelques années de leur entrée dans l’âge adulte, les deux jeunes femmes ne se voient pas souvent. Elena évite même Lila et son côté toxique, égoïste et injuste. Elle veut à tout prix atteindre son but : être la meilleure, la plus cultivée, pouvoir briller en société. Mais le parcours d’Elena est laborieux. Non seulement elle souffre depuis toujours d’un complexe d’infériorité vis-à-vis de Lila, qu’elle croit plus intelligente, plus brillante, plus belle qu’elle, mais elle ne se trouve nulle part à sa place. Dans les milieux bourgeois, aisés et cultivés qu’elle fréquente à Pise, elle est persuadée d’être un imposteur, un rat de bibliothèque qui bûche ses livres et en régurgite le contenu sans réellement en avoir saisi le sens et sans savoir comment valoriser ses connaissances. Et au quartier, on est fier d’elle mais elle se sent désormais étrangère à cette vie. Une Annie Ernaux napolitaine atteinte de névrose de classe… Quant à l’amour et à la passion, ils lui échappent toujours…
L’époque n’est donc pas vraiment à la joie. Les tentatives d’émancipation par le mariage ou les études ne sont pas une évidence dans une société machiste où la femme devrait être confinée au foyer. Mais Lila et Elena sont obstinées. Lila, flamboyante, incohérente, instable mais impériale jusque dans la déchéance, et Elena, effacée, travailleuse acharnée et complexée, qui réussit pourtant au-delà de toutes ses propres espérances.
Ce deuxième tome se dévore ; il est difficile de s’arrêter au milieu de ce torrent de mots qui parlent d’amitié, d’amour, de haine, de jalousie et de violence. Les tourments des deux amies et leurs relations avec les autres personnages sont décortiquées avec une grande finesse. Une plongée passionnante, dense et mouvementée dans l’Italie des années 60 et dans les esprits de deux jeunes femmes en quête de liberté.
Présentation par l’éditeur:
« Si rien ne pouvait nous sauver, ni l’argent, ni le corps d’un homme, ni même les études, autant tout détruire immédiatement. »
Le soir de son mariage, Lila, seize ans, comprend que son mari Stefano l’a trahie en s’associant aux frères Solara, les camorristes qu’elle déteste. De son côté, Elena, la narratrice, poursuit ses études au lycée. Quand l’été arrive, les deux amies partent pour Ischia. L’air de la mer doit aider Lila à prendre des forces afin de donner un fils à Stefano.
Quelques citations:
– Je recommençai à emprunter des romans à la bibliothèque et les dévorai les uns après les autres. Mais à la longue, ils ne me furent d’aucun secours. Ils donnaient à lire des vies intenses et des dialogues profonds, le fantasme d’une réalité bien plus fascinante que ma vie réelle.
– Dans le monde, tout était équilibre et tout était risque: celui qui n’acceptait pas de prendre des risques et n’avait aucune confiance dans la vie dépérissait dans un coin. Soudain, je compris pourquoi je n’avais pas eu Nino et pourquoi Lila, elle, l’avait eu. Je n’étais pas capable de m’abandonner à de véritables sentiments. Je ne savais pas me laisser entraîner au-delà des limites. Je ne possédais pas cette puissance émotionnelle qui avait poussé Lila à tout faire pour profiter de cette journée et de cette nuit. Je demeurais en retrait, en attente. Alors qu’elle, elle s’emparait des choses, elle les voulait vraiment, se passionnait, jouait le tout pour le tout sans crainte des railleries, du mépris, des crachats et des coups. Bref, elle avait mérité Nino parce qu’elle considérait que l’aimer, cela voulait dire essayer de l’avoir, et non espérer qu’il la veuille.