lundi , 9 décembre 2024

A l’ouest rien de nouveau

Auteur: Erich Maria Remarque

Editeur: Le Livre de Poche – 1973 (224 pages)

Lu en octobre 2024

Mon avis: Paul, le narrateur, est un jeune Allemand né en 1898 et incorporé dans l’armée en 1916 (tout comme l’auteur). Engagé plus ou moins volontaire (c’est-à-dire sous la pression d’un professeur), il sera envoyé combattre en France.

Avec lui et quelques-uns de ses plus proches camarades, on plonge dans le quotidien infernal des simples ploucs, depuis le bureau de recrutement jusqu’aux tranchées immondes, en passant par le camp d’entraînement des nouvelles recrues, l’hôpital de campagne et les rares permissions dans la famille.

Rien n’est épargné à ces gamins de 18-20 ans : humiliations, blessures, mutilations, gaz toxiques, souffrances physiques et psychiques, peur, angoisse, incompréhension, désespoir.

C’est atroce, affreux, abject, cruel. Cela n’échappe pas au narrateur, conscient que les ploucs dans l’autre camp subissent la même chose, tout autant chair à canon docile et méprisée par les hiérarchies et les gouvernements, bien à l’abri derrière les lignes ou dans leurs bureaux. Conscient également que c’est toute une génération de jeunes hommes à l’échelle de l’Europe qui se fait décimer, il se demande quel genre de vie sera possible pour les rescapés, qui n’auront eu comme seule expérience de vie adulte que la guerre, la mort, la barbarie.

Ce roman est un récit terrible et réaliste des horreurs innommables des champs de bataille de 14-18. Pacifiste, antimilitariste, il dénonce l’absurdité, le cynisme, l’inhumanité, la monstruosité de la guerre.
Un livre puissant, bouleversant, essentiel, dont manifestement (et malheureusement) l’Histoire et la Politique n’ont rien voulu retenir.

Présentation par l’éditeur:

« Quand nous partons, nous ne sommes que de vulgaires soldats, maussades ou de bonne humeur et, quand nous arrivons dans la zone où commence le front, nous sommes devenus des hommes-bêtes… »
Témoignage d’un simple soldat allemand de la guerre de 1914-1918, À l’ouest rien de nouveau, roman pacifiste, réaliste et bouleversant, connut, dès sa parution en 1928, un succès mondial retentissant. Il reste l’un des ouvrages les plus forts dans la dénonciation de la monstruosité de la guerre.

Quelques citations:

Notre instruction militaire dura dix semaines et ce temps-là suffit pour nous transformer d’une manière plus radicale que dix années d’école. Nous apprîmes qu’un bouton bien astiqué est plus important que quatre tomes de Schopenhauer. D’abord étonnés, puis irrités, et finalement indifférents, nous reconnûmes que ce n’est pas l’esprit qui a l’air d’être prépondérant, mais la brosse à cirage, que ce n’est pas la pensée, mais le « système », pas la liberté, mais le dressage. Nous étions devenus soldats avec enthousiasme et bonne volonté, mais on fit tout pour nous en dégoûter. Au bout de trois semaines, nous comprenions très bien qu’un facteur galonné pût avoir plus de droits sur nous qu’autrefois nos parents, nos éducateurs, et tous les génies de la culture, depuis Platon jusqu’à Goethe. Avec nos yeux jeunes et biens éveillés, nous vîmes que la notion classique de la patrie, telle que nous l’avaient inculquée nos maîtres, aboutissait ici, pour le moment, à un dépouillement de la personnalité qu’on n’aurait jamais osé demander aux plus humbles domestiques.

– Kropp, lui, est un penseur. Il propose qu’une déclaration de guerre soit une sorte de fête populaire avec des cartes d’entrée et de la musique, comme aux courses de taureaux. Puis, dans l’arène, les ministres et les généraux des deux pays, en caleçons de bain et armés de gourdins, devraient s’élancer les uns sur les autres. Le pays de celui qui resterait debout le dernier serait le vainqueur. Ce serait un système plus simple et meilleur que celui où ce ne sont pas les véritables intéressés qui luttent entre eux.

– Albert le dit très bien:
« La guerre a fait de nous des propres à rien. »
Il a raison, nous ne faisons plus partie de la jeunesse. Nous sommes des fuyards. Nous avions dix-huit ans et nous commencions à aimer le monde et l’existence; voilà qu’il nous a fallu faire feu là-dessus. Le premier obus qui est tombé nous a frappés au coeur. Nous n’avons plus aucun goût pour l’effort, l’activité et le progrès. Nous n’y croyons plus; nous ne croyons qu’à la guerre.

– Feu roulant, tir de barrage, rideau de feu, mines, gaz, tanks, mitrailleuses, grenades, ce sont là des mots, des mots, mais ils renferment toute l’horreur du monde.

– On ne peut pas comprendre que, sur des corps si mutilés, il y ait encore des visages humains, dans lesquels la vie suit son cours quotidien. Et, cependant, ce n’est là qu’un seul centre médical; il y en a des centaines de mille en Allemagne, des centaines de mille en France, des centaines de mille en Russie. Puisque pareille chose est possible, combien tout ce qu’on a jamais écrit, fait ou pensé est vain! Tout n’est forcément que mensonge ou insignifiance, si la culture de milliers d’années n’a même pas pu empêcher que ces flots de sang soient versés et qu’il existe, par centaines de mille, de telles geôles de torture. Seul l’hôpital montre bien ce qu’est la guerre.

– Je suis jeune, j’ai vingt ans; mais je ne connais de la vie que le désespoir, l’angoisse, la mort et l’enchaînement de l’existence la plus superficielle et la plus insensée à un abîme de souffrances. Je vois que les peuples sont poussés l’un contre l’autre et se tuent sans rien dire, sans rien savoir, follement, docilement, innocemment. Je vois que les cerveaux les plus intelligents de l’univers inventent des paroles et des armes pour que tout cela se fasse d’une manière encore plus raffinée et dure encore plus longtemps. Et, tous les hommes de mon âge, ici et de l’autre côté, dans le monde entier, le voient comme moi: c’est la vie de ma génération, comme c’est la mienne. Que feront nos pères si, un jour, nous nous levons et nous nous présentons devant eux pour réclamer des comptes? Qu’attendent-ils de nous lorsque viendra l’époque où la guerre sera finie? Pendant des années nous n’avons été occupés qu’à tuer; ç’a été là notre première profession dans l’existence. Notre science de la vie se réduit à la mort. Qu’arrivera-t-il donc après cela? Et que deviendrons-nous?

Evaluation :

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