Auteure: Leïla Slimani
Editeur: Gallimard – 2016 (240 pages)/Folio – 2018 (256 pages)
Prix Goncourt 2016
Lu en septembre 2024
Mon avis: Dès les premières lignes on sait comment ça se termine. Louise, la nounou, tue les deux enfants dont elle s’occupe.
Le roman consiste donc à reconstituer l’enchaînement des événements, les causes et les effets, les actes et les omissions, les paroles et les silences, qui ont abouti à cette tragédie.
Tout commence donc lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, étouffe entre ses quatre murs de femme au foyer et décide de reprendre son travail d’avocate. Paul, son mari, est réticent, mais finit par s’accommoder de ce choix, et accepte l’idée d’embaucher une nounou. Et là, bingo, ils dénichent Louise, une nounou de derrière les fagots, la perle rare qui fait disparaître tous leurs soucis d’organisation. Louise est parfaite, maniaque de l’ordre et de la propreté, elle gère la maison et les enfants, et est disponible à tout moment. En un mot, elle se rend rapidement indispensable.
Louise a bien quelquefois des comportements inattendus, vaguement décalés, mais Myriam et Paul, trop heureux de pouvoir se consacrer à leurs carrières respectives, ne s’y attardent pas. Après tout, Louise est efficace, les enfants l’adorent, alors pourquoi se poser plus de questions sur cette nounou dont au fond ils ne savent rien ?
Et s’ils s’en posaient, des questions, ils se rendraient compte que Louise n’a pas d’autre vie ni d’autre identité que celle de nounou. Hors de cette famille, elle ne vit pas, elle survit, solitaire, en attendant l’heure de retourner au travail. Si elle perd ce travail, elle perd tout, son appartement miteux, son dernier lien avec la société, le peu de dignité qu’il lui reste. Elle n’aura plus nulle part où aller et se retrouvera SDF. Alors elle s’accroche à eux, devient de plus en plus envahissante, frustrée, jalouse. Elle voit avec une peur panique arriver le moment où le plus jeune des enfants ira à l’école et où ils n’auront plus besoin d’elle. Et la folie chemine lentement dans son cerveau fragile.
Terrible roman psychologique dont on connaît la fin dès le début, mais malgré l’issue connue, la tension et le malaise prennent à la gorge.
Il y est question du vide abyssal dans lequel Louise existe à peine, un vide affectif, psychique, moral, culturel, social. Face à elle, il y a Myriam, coincée entre vie privée et professionnelle, qui voudrait s’épanouir et être reconnue en tant que mère, femme, avocate, et qui réalise que la mission est pratiquement impossible. Elle en ressent une sorte de culpabilité, à laquelle s’ajoute celle qu’elle éprouve en déléguant tout à Louise, dans ce qui ressemble à une exploitation bienveillante.
« Chanson douce » raconte cette relation entre deux femmes, l’une inadaptée, l’autre sur-adaptée mais dépassée, et leurs difficultés à trouver leur place dans une société impitoyable, aux injonctions multiples et contradictoires.
Un roman sans affect, sans jugement, glaçant et percutant.
PS: J’ai vu le film après avoir lu le livre. J’ai préféré le livre.
Présentation par l’éditeur:
« Louise ? Quelle chance vous avez d’être tombés sur elle. Elle a été comme une seconde mère pour mes garçons. Ça a été un vrai crève-coeur quand nous avons dû nous en séparer. Pour tout vous dire, à l’époque, j’ai même songé à faire un troisième enfant pour pouvoir la garder. »
Lorsque Myriam décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise et sont conquis par son aisance avec Mila et Adam, et par le soin bientôt indispensable qu’elle apporte à leur foyer, laissant progressivement s’installer le piège de la dépendance mutuelle.