samedi , 7 septembre 2024

Le ghetto intérieur

Auteur: Santiago H. Amigorena

Editeur: P.O.L. – 2019 (192 pages)/Folio – 2021 (179 pages)

Prix des Libraires de Nancy – Le Point 2019

Lu en juillet 2024

Mon avis: En 1928, Vicente Rosenberg, jeune juif polonais, a émigré en Argentine, laissant au pays sa mère et son frère. Pressentant les dangers de la montée du nazisme et de l’antisémitisme, Vicente a fui l’Europe alors qu’il en était encore temps.

A Buenos Aires, il s’est marié avec Rosita, avec qui il a eu trois enfants ; il exploite un magasin de meubles et fréquente régulièrement ses amis dans les bars du quartier. Une vie heureuse et tranquille.

Mais à partir de l’automne 1940, les nouvelles d’Europe deviennent inquiétantes. Vicente ne reçoit plus beaucoup de lettres de sa mère, et entre les lignes de l’une des dernières, il comprend qu’elle et son frère sont pris au piège du ghetto de Varsovie.

A cet enfermement physique des siens qu’il n’a pas su éviter et à leur sort tragique de moins en moins douteux, Vicente réagit en s’emmurant dans le silence, un ghetto intérieur dans lequel il ne veut plus réfléchir, duquel il tente de bannir les mots et le bruit insupportable qu’ils font dans sa tête.

Dévoré par la culpabilité de n’avoir pas assez insisté pour faire venir sa famille en Argentine et la sauver, rongé par l’impuissance et la mélancolie, il choisit le silence et l’isolement, un choix qui se répercute sur son entourage, sa femme, ses enfants, ses amis. Et sur les générations suivantes, puisque l’auteur, petit-fils de Vicente, a décidé d’écrire ce livre « pour combattre le silence qui [l’]étouffe depuis [qu’il est] né ».

S. Amigorena raconte l’histoire tragique de son grand-père et de sa famille avec beaucoup de pudeur, d’une écriture tantôt sobre tantôt parsemée de répétitions lancinantes, qui rendent ce livre poignant. L’auteur intercale aussi quelques pages plus pédagogiques pour expliquer la planification par les nazis de la « solution finale ».

On pourrait penser que la métaphore de l’enfermement et du repli sur soi en réponse au ghetto de Varsovie est un peu trop évidente, et se demander pourquoi Vicente se laisse sombrer sans aucun égard pour sa femme et ses enfants.

Quoi qu’il en soit, ce livre rend la parole à un homme accablé par la souffrance par procuration et la culpabilité des survivants. Un livre puissant qui interroge sur l’identité, l’exil, l’impuissance, le poids et la transmission du silence sur les générations suivantes.

A lire pour ne pas oublier, et prévenir ce qui pourrait encore arriver.

Présentation par l’éditeur:

« Vicente n’avait pas voulu savoir. Il n’avait pas voulu imaginer. Mais, en 1945, peu à peu, malgré lui, comme tout le monde, il a commencé à savoir – et il n’a pas pu s’empêcher d’imaginer. »

Vicente Rosenberg est arrivé en Argentine en 1928. Il a rencontré Rosita, ils se sont aimés et ont eu trois enfants. Mais depuis quelque temps, les nouvelles d’Europe s’assombrissent. À mesure que lui parviennent les lettres de sa mère, restée à Varsovie, Vicente comprend qu’elle va mourir. De honte et de culpabilité, il se mure alors dans le silence.Ce roman raconte l’histoire de ce silence – qui est devenu celui de son petit-fils, Santiago H. Amigorena.

Une citation:

– « Pourquoi jusqu’aujourd’hui j’ai été enfant, adulte, polonais, soldat, officier, étudiant, marié, père, argentin, vendeur de meubles, mais jamais juif ? Pourquoi je n’ai jamais été juif comme je le suis aujourd’hui – aujourd’hui où je ne suis plus que ça. » Comme tous les Juifs, Vicente avait pensé qu’il était beaucoup de choses jusqu’à ce que les nazis lui démontrent que ce qui le définissait était une seule chose : être juif.

Evaluation :

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