jeudi , 21 novembre 2024

En un combat douteux…

Auteur: John Steinbeck

Editeur: Gallimard – 1940 (272 pages) ou Folio – 1972 (384 pages)

Lu en juillet 2022

Mon avis: Californie, années 30. Mac, syndicaliste communiste expérimenté, forme Jim, une nouvelle recrue. Pour cela, rien de mieux que la pratique et l’apprentissage sur le tas. Les deux agitateurs en puissance se rendent donc dans une petite vallée où les patrons, propriétaires de vergers de pommiers, viennent de décider une baisse des salaires des saisonniers. Mac et Jim vont s’infiltrer parmi les ouvriers pour les pousser à déclencher une grève et obtenir de meilleures conditions de travail.

Mais qu’il est donc difficile de mobiliser une foule, constituée d’ouvriers miséreux et de leurs familles, qui n’auront rien à manger s’ils arrêtent le travail. Mac et Jim doivent donc trouver de quoi nourrir des dizaines de personnes, et de quoi les loger puisqu’ils risquent d’être expulsés de leurs campements dans les vergers. Ils doivent surtout les convaincre qu’ensemble, ils ont les moyens de lutter et de gagner. Les pommes peuvent leur servir d’otages, en quelque sorte, puisque si elles ne sont pas cueillies, elles ne pourront être vendues. Mais les patrons ont également des moyens de pression, notamment la possibilité de faire appel à des wagons entiers d’ouvriers autrement plus conciliants. Le combat s’annonce ardu et musclé, à une époque où la violence est loin de n’être que verbale et où, de plus, les communistes (ces « agents à la solde » de l’ennemi soviétique) sont très (euphémisme) mal vus aux USA, y compris par certains ouvriers.

« En un combat douteux » relate donc, quasi exclusivement au moyen de dialogues, un épisode de la sempiternelle lutte sociale entre ouvriers et patronat, en montrant bien les difficultés pour les deux syndicalistes à gagner la confiance des ouvriers et à les convaincre de mener la grève jusqu’au bout, dans l’intérêt de tous. Evidemment le combat est légitime, mais la solidarité est une chose fragile. Jusqu’où est-on prêt à aller, quels sacrifices individuels est-on capable d’accepter au profit de l’intérêt collectif ? C’est là tout l’intérêt du roman et la finesse de Steinbeck quand il jette dans la balance le fait que Mac semble au final davantage lutter pour imposer une idéologie politique (la lutte contre le capitalisme) que par le bien-être ou même la survie des ouvriers qu’il a menés à la grève et, in fine, dans un cul-de-sac. Ce syndicalisme fanatique met mal à l’aise. Mener une foule vers un objectif louable, c’est bien ; la manipuler dans un but caché et pas forcément dans l’intérêt immédiat de celle-ci, et on peut commencer à douter de la sincérité du combat.

Malgré des dialogues parfois un peu simplistes, « En un combat douteux » est un quasi-document à la fois politique, sociologique, psychologique et idéologique. Du grand Steinbeck.

Présentation par l’éditeur:

– Le soleil va bientôt se coucher. À la nuit, ceux de la ville vont peut-être laisser passer nos hommes, mais nous, ils nous arrêteront. Ils veulent notre peau. Alors, je veux que tu t’en ailles, dès que la nuit tombera, et que tu retournes en ville.
– Pourquoi ?
Mac le regarda de côté, puis fixa de nouveau son regard sur le sol.
– Quand je t’ai amené ici, dit-il, je croyais que j’étais très fort, et je suis persuadé maintenant que tu en vaux dix comme moi, Jim. S’il m’arrive quelque chose, on trouvera facilement vingt types qui pourront me remplacer. Mais toi, tu as du génie pour ce genre de travail. Le parti ne peut pas te sacrifier ainsi ; pour une petite grève de rien du tout. Ce ne serait pas raisonnable.

Evaluation :

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