vendredi , 18 octobre 2024

Je me suis probablement perdue

Auteure: Sara Salar

Editeur: Editions des Femmes – 12 septembre 2024 (140 pages)

Lu en octobre 2024

Mon avis: Téhéran, début des années 2000. La narratrice, jeune femme appartenant à la classe moyenne aisée, se réveille au milieu de la matinée et se rappelle qu’elle doit aller chercher son fils à la maternelle.

De son réveil à son retour à la maison avec son fils, elle nous livre le récit de ces quelques heures dans un monologue intérieur proche du flux de conscience.

Manifestement en grande souffrance morale (et physique : un œil au beurre noir et des bleus sur les bras), elle est aux prises avec le passé et le souvenir obsessionnel de Gandom, une ancienne amie tellement plus libre et audacieuse qu’elle, avec qui elle a rompu toute relation huit ans plus tôt.

Le cours de ses pensées est sans cesse interrompu par les appels téléphoniques de l’associé de son mari qui la drague ouvertement et avec lequel elle entretient une relation ambiguë, par les aléas du trafic embouteillé de Téhéran, et par son fils de cinq ans qui s’agite à l’arrière de la voiture et vis-à-vis duquel elle oscille constamment entre patience et impatience, entre sévérité et culpabilité.

A un premier niveau de lecture, on pourrait penser que ce livre est simplement le récit du quotidien d’une jeune femme névrosée et claustrophobe qui ne supporte pas les ascenseurs.

Puis on se rappelle du pays où se déroule l’histoire et on réalise que la narratrice n’est pas seulement coincée dans sa tête et dans le trafic, mais aussi dans un contexte social, religieux et politique qui l’étouffe. Traditions, patriarcat, port du voile, police des mœurs,… la vie des femmes en Iran est peu de chose, et les rêves d’émancipation et de liberté voués à l’échec.

Paru en 2007, ce roman (autobiographique?) doit se lire entre les lignes, puisque la censure n’a pas permis à l’auteure d’être plus explicite. En conséquence, le propos paraît parfois fort elliptique, et je ne suis pas certaine d’avoir saisi toutes les allusions et métaphores. Mais ce texte oppressant laisse entrevoir de l’intérieur le poids qui écrase encore aujourd’hui les femmes iraniennes.

En partenariat avec les Editions des Femmes via une opération Masse Critique de Babelio.

Présentation par l’éditeur:

Sara Salar nous plonge dans la vie d’une jeune Iranienne de la classe moyenne, au début des années 2000. Au volant de sa voiture, coincée dans les embouteillages de Téhéran, la jeune femme se livre à un monologue intérieur où l’intime croise le paysage social de la capitale. À travers une série de réminiscences qui s’entremêlent habilement au cours trivial du quotidien, elle dévoile peu à peu les tenants et aboutissants du drame qui se joue derrière ces heures apparemment banales. Entre le poids des conventions sociales et ses efforts pour occuper son fils à l’arrière de la voiture, la narratrice pense à Gandom, une de ses anciennes amies, opposée en tout point à elle par son audace et sa liberté d’esprit. Qu’est-elle devenue ?

Dans cette fiction réaliste mais à lire aussi entre les lignes, Sara Salar fait ressentir, avec une finesse inouïe, les différentes contraintes qui ont lentement dressé autour du personnage les murs d’une impasse. « Je me suis probablement perdue » a reçu le prix Houshang-Golshiri et est traduit dans plusieurs langues.

Une citation:

– …les psys… pour eux il n’y a que deux cas de figure, soit les gens ne savent rien, soit ils savent ce qu’il se passe et alors ils doivent régler leurs problèmes tout seuls. Par exemple: si tu sais que tu ne dois pas penser autant au passé, alors n’y pense plus, et si tu ne sais pas que tu ne dois pas autant y penser, sache-le et n’y pense plus. Rien de plus facile. Il n’y a personne pour aller dire: Monsieur: je pense au passé et je sais que je ne dois pas y penser, mais j’y pense quand même.

Evaluation :

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