lundi , 16 septembre 2024

La femme habitée

Auteure: Gioconda Belli

Editeur: Le Cherche Midi – 29 août 2024 (504 pages)

Lu en juillet 2024

Mon avis: Dans les années 1970, Lavinia termine ses études d’architecture en Europe et rentre dans son pays d’Amérique centrale qui, sans dire son nom, ressemble très fort au Nicaragua. La jeune femme, issue de la riche bourgeoisie, commence à travailler dans un bureau d’architectes réputé, et sa vie va se trouver bouleversée. Coup sur coup, elle découvre qu’une partie de ses compatriotes vit dans une pauvreté impensable (pour elle), et tombe amoureuse de Felipe, un de ses collègues de travail, qui va l’entraîner malgré elle dans le mouvement révolutionnaire qui veut libérer le pays de la dictature.

La demoiselle réalise soudain qu’elle a été jusque là confrontée « à la vacuité de l’abondance, au néant de vies apparemment bien remplies, confortables et aisées », bref qu’elle est en réalité une pauvre petite fille riche, ceci expliquant son mal-être et son impression de ne pas se sentir libre et à sa place dans son milieu bling-bling et superficiel.

Mais qu’à cela ne tienne, sa rencontre avec Felipe éveille chez elle à la fois passion amoureuse et conscience politique. Et après beaucoup d’atermoiements, elle décide de s’engager dans la lutte clandestine, histoire de donner un sens à sa vie.

Et bien sûr (pour expliquer le titre), Lavinia peut compter (mais sans qu’elle en ait conscience) sur l’âme d’une femme indigène de l’époque précolombienne qui, avec son clan, avait combattu l’envahisseur espagnol, et qui va lui insuffler sa force.

Tout cela (500 pages tout de même) se lit plutôt facilement, c’est assez poétique, voire lyrique. Mais j’ai eu du mal à croire à cette histoire aux accents plus romantiques, limite mièvres, que révolutionnaires. L’ensemble est assez superficiel, ni les événements ni les personnages ne sont développés en profondeur. Le contexte de dictature est vaguement décrit (même si on se doute qu’on nous parle du Nicaragua), on ne ressent pas le climat de terreur qui règne soi-disant sur le pays. Et on ne discerne pas trop ce qui, dans l’évolution de Lavinia, la fait passer d’une jeunesse dorée et futile à un engagement à la vie à la mort, ni comment une telle pleurnicheuse devient une héroïne après quelques heures d’initiation à la guérilla (je ne dis pas qu’une telle conversion n’est pas crédible, je dis juste qu’ici c’est peu/mal développé).

Cela parle aussi d’émancipation féminine, mais c’est bourré de clichés, et contradictoire : certes Lavinia réalise que la révolution n’est pas qu’une affaire d’hommes et s’engage dans la lutte, mais on ne comprend pas trop si c’est par conviction personnelle, ou parce qu’elle est amoureuse d’un révolutionnaire. Sans compter qu’elle se laisse dominer par Felipe, macho qui la considère comme une petite chose fragile, et qu’elle ne semble pas capable de prendre ses décisions sans s’en référer à lui.

Ce roman, en partie autobiographique, a été publié en 1988 et revu en 2010 et 2021, cette dernière édition (qui est donc celle que j’ai lue) ayant été « corrigée et revue par l’auteure ». Je ne sais pas si cette version est meilleure que les précédentes, mais je n’ai pas le courage de me lancer dans une étude comparative, et je renonce définitivement à lire Gioconda Belli, à qui j’avais laissé une seconde chance après la grosse déception de sa « République des femmes ».

En partenariat avec les Editions du Cherche Midi via Netgalley.

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Présentation par l’éditeur:

Années 1970. De retour en Amérique centrale après des études d’architecture en Europe, Lavinia, jeune femme issue d’une famille bourgeoise, découvre son pays natal agité par des bouleversements sociaux. De l’éveil politique au combat, sa rencontre avec Felipe, un révolutionnaire engagé dans la lutte clandestine contre la dictature, va la propulser dans le mouvement de libération du pays en même temps que dans la passion amoureuse.
Roman semi-autobiographique, La Femme habitée transporte les lecteurs dans un voyage palpitant au cœur des soubresauts d’un pays imaginaire à l’histoire bien réelle. Sous la plume virtuose de Gioconda Belli, émancipation féminine, combat pour la justice et histoire d’amour s’entremêlent pour dessiner le destin fascinant d’une femme déterminée à changer le monde.

Quelques citations:

– Le dimanche, sa présence dans ce monde lui semblait souvent superflue. C’était un jour inconfortable pour les gens seuls. Un jour créé pour les promenades en famille, avec les enfants et les chiens penchés à la fenêtre des voitures; des pères et des mères en pyjamas rayés assis autour de la table, lisant le journal, des enfants dévorant de succulents petits-déjeuners.

– Elle avait de la peine pour Mercedes. C’était presque une malédiction, pensa-t-elle, de s’accrocher ainsi à l’amour. Et tellement féminin. Comment font donc les hommes pour écarter ce genre de préoccupations de leur vie quotidienne? Au moins pour ne pas perdre leur concentration, ne pas sentir que la terre se dérobe sous leurs pieds lorsque leurs amours vont mal? Ils sont capables de compartimenter leur vie intime et d’ériger des digues solides et inébranlables pour l’empêcher de contaminer le reste de leur existence. Chez les femmes, au contraire, l’amour semble être au centre de leur système solaire. Une déviation déclenche la fonte des glaces, l’inondation, la tempête, le chaos.

Evaluation :

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