Auteur: Ito Ogawa
Éditeur: Editions Philippe Picquier – 2018 (384 pages)
Lu en juin 2020
Mon avis: Depuis combien de temps n’ai-je pas écrit de lettre ?
Je veux parler d’une vraie lettre, manuscrite, de celles qu’on écrit sur du beau papier, avec un beau stylo et une belle écriture, et qu’on glisse dans une enveloppe assortie au papier, sur laquelle on colle un timbre avant de la déposer dans une boîte postale.
Vingt ans au moins…
A l’ère d’internet, des courriers électroniques et autres messageries instantanées, la lenteur de la plume et du courrier postal semble totalement dépassée : « Mais il paraît que maintenant, même un courrier aussi simple, les gens trouvent ça fatigant à écrire. D’ailleurs, le papier à lettres lui-même commence à être frappé d’obsolescence, et il y a des employés de bureau qui n’ont jamais écrit une lettre de leur vie. De nos jours, tout se fait par mail« .
Et pourtant.
Hatoko est écrivain public à Kamakura, une petite station balnéaire au sud de Tokyo. Un métier qu’on penserait tombé en désuétude, exercé par une vieille personne qui s’accrocherait obstinément au passé.
Il n’en est rien.
Hatoko a 25 ans, et elle vient d’hériter de la papeterie de sa grand-mère, ainsi que de son métier d’écrivain public. Aussi surprenant que cela paraisse, la demande pour un tel office existe et les clients se succèdent dans la petite boutique. Ils viennent souvent en dernier recours, poussés par le besoin d’écrire à leur destinataire mais sans parvenir à trouver eux-mêmes les mots qui transmettraient précisément leur pensée.
Initiée par sa grand-mère (« l’Aînée ») à la calligraphie dès son plus jeune âge, Hatoko a connu une période rebelle à l’adolescence, s’insurgeant contre cet apprentissage contraignant et codifié, contre la sévérité de l’Aînée, qui l’a élevée seule. De retour au bercail après ses vagabondages à l’étranger, elle reprend pourtant le flambeau, avec professionnalisme, cœur et talent.
Il en faut, pour saisir l’enjeu de la tâche que lui confie chaque client, pour comprendre sa personnalité et celle du destinataire, la teneur du message à transmettre, les attentes de chacun. Puis arrive le moment délicat où choisir l’alphabet, l’écriture, le papier, la couleur de l’encre, l’outil (plume, stylo), l’enveloppe, le timbre. Un travail qui demande de la méticulosité, de la patience, de l’empathie, du raffinement jusque dans le moindre détail. En fait c’est moins un travail qu’une vocation : « Je suis écrivain public, c’est vrai. J’écris tout ce qu’on me demande, c’est sûr. Mais c’est pour venir en aide aux gens qui en ont besoin. Parce que je veux leur apporter du bonheur« .
Du bonheur, c’est ce qui ressort de la lecture de ce petit roman, léger et délicat. Le bonheur qu’Hatoko ressent une fois son travail accompli, mais aussi celui qu’il y a à se laisser vivre et à profiter de la vie dans ce petit quartier tranquille. Entre visites de temples bouddhistes, rencontres chaleureuses entre voisins et découverte savoureuse de la ville à travers ses restaurants, on se laisser porter dans un univers à la fois hors du temps et ancré dans son époque, où la lenteur et les traditions l’emportent haut la main sur la précipitation de la modernité. Je crois qu’il n’y a que les auteurs japonais pour réussir à installer une telle atmosphère subtile et surannée. Ici, l’ambiance est un peu trop doucereuse à mon goût, mais ce texte au style lent, poétique et contemplatif donne envie de respirer profondément pour trouver calme et sérénité.
Présentation par l’éditeur:
Hatoko a vingt-cinq ans et la voici de retour à Kamakura, dans la petite papeterie que lui a léguée sa grand-mère. Le moment est venu pour elle de faire ses premiers pas comme écrivain public, car cette grand-mère, une femme exigeante et sévère, lui a enseigné l’art difficile d’écrire pour les autres.
Le choix des mots, mais aussi la calligraphie, le papier, l’encre, l’enveloppe, le timbre, tout est important dans une lettre. Hatoko répond aux souhaits même les plus surprenants de ceux qui viennent la voir : elle calligraphie des cartes de vœux, rédige un mot de condoléances pour le décès d’un singe, des lettres d’adieu aussi bien que d’amour. A toutes les exigences elle se plie avec bonheur, pour résoudre un conflit, apaiser un chagrin.
Et c’est ainsi que, grâce à son talent, la papeterie Tsubaki devient bientôt un lieu de partage avec les autres et le théâtre des réconciliations inattendues.