Auteur: Leonardo Padura
Editeur: Métailié – 10 janvier 2019 (448 pages)
Lu en décembre 2018
Mon avis: Mario Conde a bientôt 60 ans, et ça lui fiche le cafard. Chaque jour, voyant l’issue fatale et l’entrée dans le quatrième âge approcher, « il se lan[ce] dans un processus de plus en plus ardu pour cuirasser son moral et se disposer, de nouveau, à faire tout son possible pour empêcher que l’arrivée inéluctable de la mort ne prenne de l’avance et ne se produise par simple inanition. Bref : il devait se botter le train pour sortir dans la rue, la vraie, pour gagner la vie qu’il lui restait et, dans la mesure du possible, retarder l’appel fatal en oubliant ses branlettes mentales pseudo-philosophiques ou littéraires ». C’est alors qu’il traîne ses savates et son air désabusé dans le marasme de La Havane qu’on fait appel à ses services de détective, contre la promesse d’un tas non négligeable de monnaie sonnante et trébuchante. Bobby, un ancien camarade de lycée, lui demande, le supplie, de retrouver la statue d’une Vierge noire qu’un ex-petit ami lui a volée, et à laquelle il tient plus qu’à la prunelle de ses yeux. L’ancien flic se lance alors dans une enquête qui l’emmènera du milieu (très) privilégié des marchands d’art et des galeristes à celui (très) misérable des bidonvilles de La Havane, peuplés de migrants ayant quitté l’encore plus misérable Santiago pour cet eldorado tout relatif. Si le contraste est grand entre richesse et pauvreté, ces deux univers ont en commun que l’appât du gain transforme certains êtres en crapules patentées, voire en assassins. Et en l’occurrence, cette Vierge noire, dotée d’une valeur qui semble inestimable et d’un mystérieux pouvoir, attise les convoitises.
C’est la première fois que je lis Leonardo Padura, il m’est donc impossible de dire si cette nouvelle enquête de Mario Conde est un cru supérieur aux précédents. Toujours est-il que j’ai dégusté celui-ci avec un plaisir certain. Dans la trame policière assez classique sont intercalés des chapitres retraçant l’origine et le parcours de la Vierge noire à travers les siècles, de l’époque des Croisades au Proche-Orient à la Guerre d’Espagne. Malgré quelques longueurs, l’histoire est intéressante, l’humour est noir, la misère aussi, mais l’amour et les amitiés sont fidèles et sincères, les personnages attachants. Leonardo Padura est un grand-maître dans l’art de dépeindre La Havane, sa transformation au fil d’une Révolution qui n’en finit pas de tourner en rond quitte à revenir à son point de départ. « La transparence du temps » est un roman truculent et bigarré, empreint d’une touche d’amertume et d’une bonne dose de sens critique, mais qui montre un attachement profond, envers et contre tout, à une ville et à un pays.
En partenariat avec les Editions Métailié.
Présentation par l’éditeur:
Alors qu’il approche de son 60e anniversaire, Mario Conde broie du noir. Mais le coup de fil d’un ancien camarade de lycée réveille ses vieux instincts.
Au nom de l’amitié (mais aussi contre une somme plus qu’honorable), Bobby le charge de retrouver une mystérieuse statue de la Vierge noire que lui a volée un ex-amant un peu voyou.
Conde s’intéresse alors au milieu des marchands d’art de La Havane, découvre les mensonges et hypocrisies de tous les “gagnants” de l’ouverture cubaine, ainsi que la terrible misère de certains bidonvilles en banlieue, où survit péniblement toute une population de migrants venus de Santiago.
Les cadavres s’accumulent et la Vierge noire s’avère plus puissante que prévu, elle a traversé les siècles et l’Histoire, protégé croisés et corsaires dans les couloirs du temps. Conde, aidé par ses amis, qui lui préparent un festin d’anniversaire somptueux, se retrouve embarqué lui aussi dans un tourbillon historique qui semble répondre à l’autre définition de la révolution : celle qui ramène toujours au même point.
Un voyage éblouissant dans le temps et dans l’histoire porté par un grand roman plein d’humour noir et de mélancolie.
Un bon roman pour découvrir La Havane !
Oui, comme tous les autres Padura, probablement.