Auteur: Elena Ferrante
Editeur: Gallimard – 2018 (560 pages)
Lu en mars 2020
Mon avis: Voilà, c’est fini…
Et pourtant j’aurais tant voulu que cela continue, pour tout savoir, tout comprendre, voir ce qu’il serait advenu de l’amitié d’Elena et Lila dans leurs vieux jours…
Parce que si la fin de l’histoire boucle la boucle, en quelque sorte, puisqu’on s’en revient à l’épisode des poupées, celui qui marquait le début de la saga et de l’amitié des deux fillettes 50 ans plus tôt, cette fin, donc, n’en reste pas moins ouverte, d’une certaine façon.
Tout savoir, tout comprendre, parce que tous les mystères ne sont pas résolus, tous les comportements ne sont pas expliqués, et surtout, parce que cette histoire ne révèle que le point de vue, les interprétations et les extrapolations de la seule Elena. J’aurais donné cher pour connaître la version de Lila, et comprendre ce qui s’est passé dans sa « tête folle » tout au long de ces années.
Mais voilà, c’est la vie, c’est comme ça…
Je termine cette saga prodigieuse avec un pincement au cœur, tant je me suis attachée à ces héroïnes et à leurs univers, et avec un sentiment de perte. La perte, d’ailleurs, présente jusque dans le titre, marque ce dernier volume. Pouvait-il en être autrement, quand toute la saga trouve son fondement dans la perte des poupées ?
La perte des illusions amoureuses (ah, le beau Nino et ses promesses d’amour éternel) et politiques (les convictions se sont émoussées devant la violence, les compromissions, la corruption), la perte de la jeunesse (et l’arrivée de la vieillesse et de ses affres, avec la mort en ultime point de mire, mais chaque fois plus proche) et de l’innocence (déjà sérieusement entamée par la violence des années de plomb, mais cette enfant perdue… bon sang, quel drame sidérant…), ce qui nous vaut un tome plus sombre que les précédents, où malgré l’âpreté de la vie, toutes les difficultés se surmontaient tant bien que mal. Cette fois, on sent bien que tant Lila qu’Elena marchent, à leur tour, au bord de l’abîme…
Les repères sociaux et religieux se brouillent aussi, on vit ensemble sans être marié, on se marie sans passer par l’église, on ne baptise plus les enfants, les femmes quittent le foyer et prennent leur indépendance.
Ce qui ne se perd pas, ne change pas, c’est la complexité, l’ambiguïté de la relation entre Elena et Lila. Lena, désormais écrivaine reconnue, n’en finit pas de s’interroger sur la manière dont Lila a influencé son écriture. Lena a-t-elle écrit ce qu’elle voulait réellement écrire, ou, inconsciemment, ce que Lila a voulu qu’elle écrive ? A-t-elle écrit par procuration, Lila a-t-elle vécu ses propres rêves à travers l’écriture de Lena ?
Chronique d’une amitié et chronique sociale, la saga d’Elena Ferrante a tenu ses promesses jusqu’au bout, bouclant plus d’un demi-siècle d’histoire italienne sur plus de 2000 pages. Captivante, intelligente, réaliste, sans artifices, sincère, intense, bouillonnante, comme la vie, elle se termine sans répondre à toutes les questions.
D’ailleurs, qui pourrait dire, d’Elena ou de Lila, laquelle est véritablement « l’amie prodigieuse » ?
Présentation par l’éditeur:
À la fin de Celle qui fuit et celle qui reste, Lila montait son entreprise d’informatique avec Enzo, et Elena réalisait enfin son rêve : aimer Nino et être aimée de lui, quitte à abandonner son mari et à mettre en danger sa carrière d’écrivain. Car elle s’affirme comme une auteure importante et l’écriture l’occupe de plus en plus, au détriment de l’éducation de ses deux filles, Dede et Elsa.
L’histoire d’Elena et de Nino est passionnelle, et bientôt Elena vit au gré de ses escapades pour retrouver son amant. Lors d’une visite à Naples, elle apprend que Lila cherche à la voir à tout prix.
Après avoir embrassé soixante ans d’histoire des deux femmes, de Naples et de toute l’Italie, la saga se conclut en apothéose. Plus que jamais, dans L’enfant perdue, Elena Ferrante nous livre un monde complet, riche et bouillonnant, à la façon des grands romanciers du XIXème siècle, un monde qu’on n’oublie pas.