mardi , 8 octobre 2024

Le temps de la haine

Auteure: Rosa Montero

Editeur: Métailié – 2019 (368 pages)

Lu en décembre 2022

Mon avis: Troisième (et dernier?) volet des aventures de Bruna Husky, réplicante de combat, androïde programmée pour faire la guerre, reconvertie depuis quelques années en détective privée.

Programmée également, comme tous ses semblables, pour « naître » à l’âge de 25 ans, dotée de souvenirs artificiels mais de vrais sentiments, et pour mourir 10 ans plus tard, dans les affres de la TTT, la tumeur techno totale.

Au début de ce roman, an de grâce 2110, à Madrid, il reste à Bruna trois ans, trois mois et seize jours à vivre, et moins de deux semaines pour retrouver le commissaire Lizard, enlevé avec 13 autres personnes. Les preneurs d’otages font partie d’un groupe d’écoterroristes extrémistes, qui décapiteront un otage par jour tant que leurs revendications ne seront pas entendues.

Le pire, c’est que ces revendications sont légitimes : avoir accès gratuitement à une eau et un air purs. Car aux Etats-Unis de la Terre, planète désormais ultra polluée, ces deux éléments sont un luxe auquel les plus démunis ne peuvent plus prétendre.

Au travers de ce tome, la toujours aussi attachante Bruna, râleuse et méfiante mais loyale et sincère, va tenter de protéger les siens, le vieux Yannis, la petite Gaby, Bartolo l’animal extraterrestre aussi stupide qu’affectueux, et surtout son cher Lizard. Elle évolue dans un monde fait d’humains, d’androïdes et d’extraterrestres, vivant sur Terre, d’autres planètes ou des colonies spatiales. Entre les scènes d’action et les multiples rebondissements, on s’interroge avec elle sur l’ultralibéralisme, le nationalisme, la religion, la technologie et leurs dérives, la démocratie, l’écologie, la place des femmes, et surtout sur ce qui constitue l’essence de l’être humain.

Passionnée de science et d’anticipation, Rosa Montero est parvenue à créer un univers SF abouti et cohérent, inquiétant et même glaçant tant il paraît de moins en moins éloigné du nôtre. Mais l’auteure, qui est aussi terriblement humaine et incorrigiblement optimiste, insuffle dans sa saga des doses d’amour et d’amitié telles qu’elles arrivent à susciter l’espoir. Ajoutez-y un brin d’humour et d’autodérision quand elle se met elle-même en scène dans le roman, et vous obtiendrez un cocktail bien agréable à lire en cette fin d’année.

Et à quatre jours de la nouvelle année, je vous envoie mes meilleurs vœux pour 2023.

Présentation par l’éditeur:

Madrid 2110. Lorsque le commissaire Lizard disparaît, la réplicante Bruna Husky, détective privée, se lance éperdument à sa recherche. Elle découvre à la télévision qu’il est l’un des treize otages qui seront exécutés, un par un, par des terroristes très jeunes et dont les revendications sont bien accueillies pas ceux qui souffrent dans un monde où l’air et l’eau doivent s’acheter. Bruna, qui compte de façon obsessionnelle le nombre de jours qui la séparent de son obsolescence programmée de réplicante, se met à compter aussi le nombre de jours avant que Lizard soit décapité.

Dans son enquête elle découvre une colonie qui refuse la technologie ainsi qu’une structure du pouvoir qui remonte au XIVe siècle et pourrait dominer les technologies dont elle est elle-même issue. Dans ce monde secoué de convulsions multiples, les crispations populistes s’exaspèrent et une guerre civile devient inévitable. Tous se méfient de tous et ne restent que les liens anciens de l’amitié avec Yannis, le vieil archiviste dépressif, la farouche Gaby, les extraterrestres tendres et le boubi Bartolo, vorace et affectueux.

Dans ce troisième volet des aventures de Bruna Husky, son personnage le plus proche et le plus intime, Rosa Montero construit avec virtuosité un univers bigarré, insolite et familier, elle provoque les émotions du lecteur, le secoue tout en l’amenant à réfléchir sur notre présent comme prémices du monde qu’elle nous décrit.

Un roman intense à l’action trépidante sur les excès du pouvoir, l’horreur des dogmes, la mélancolie du passage inévitable du temps, la passion amoureuse.

La lauréate du Grand Prix national des Lettres construit une brillante métaphore des temps que nous vivons.

Evaluation :

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