Auteur: Benito Pérez Galdós
Editeur: GF-Flammarion – 1993 (252 pages)
Lu en avril 2025
Mon avis: « Tristana », triste histoire.
A la fin du 19ème siècle à Madrid, Tristana, belle jeune fille, perd ses parents à quelques mois d’intervalle, et se retrouve orpheline à 19 ans. Heureusement, ou malheureusement, pour elle, elle est recueillie par un ami de son père, Don Lope. Celui-ci, côté face, a l’allure et les manières aristocratiques, et la fidélité en amitié chevillée au corps, prêt littéralement à donner sa chemise à un ami dans le besoin. C’est d’ailleurs ce trait de caractère qui l’a poussé à adopter Tristana sans la moindre hésitation. Son côté pile est cependant moins reluisant : Don Lope traîne depuis toujours une réputation (non usurpée) de Don Juan, invétéré coureur de jupons, séducteur amoral et briseur de ménages sans scrupules.
Evidemment, il ne pourra s’empêcher de séduire Tristana qui, ingénue oie blanche, mettra un peu de temps à réaliser que ce faisant, Don Lope, ambigu père de substitution, l’a déshonorée et perdue pour la gent masculine honnête qui envisagerait de convoler avec elle en justes noces.
Don Lope est possessif et maintient Tristana dans une cage dorée, mais malgré cela, celle-ci fait la connaissance d’un jeune homme bien sous tous rapports, Horacio Dias.
Evidemment, les deux tombent éperdument amoureux, et vivent leur idylle à l’abri des regards de Don Lope. Jusqu’à ce que les deux tourtereaux doivent se séparer, Horacio étant appelé auprès d’une vieille tante loin de Madrid. Ils entament alors une correspondance enflammée mais au bout d’un moment – loin des yeux, loin du coeur – la flamme d’Horacio s’éteint et peine à se rallumer lorsqu’il rentre enfin à Madrid au chevet de Tristana, tombée gravement malade entretemps. D’autant que le sournois et frustré Don Lope, qui avait découvert leur histoire d’amour, va tenter de retourner la situation à son avantage.
« Tristana » est un triangle amoureux où il y a l’amour malsain et quasi-incestueux de Don Lope pour Tristana, l’amour lyrique, presque pathétique, entre Tristana et Horacio, l’aversion et la rancune de Tristana pour Don Lope. L’histoire est simple, mais les personnages complexes, oscillant entre naïveté et manipulation, générosité et possessivité, noblesse et ignominie, amour sincère et fantasme, révolte et résignation. Dans un style classique et réaliste, un brin désuet, « Tristana » est un roman ironique et cruel, où la morale et l’honneur ne sont pas saufs, remarquable pour son analyse psychologique des protagonistes et son plaidoyer sous-jacent pour l’émancipation de la femme.
Présentation par l’éditeur:
Publié en janvier 1892, » Tristana » correspond à l’apogée d’une carrière jalonnée de succès : d’épopées nationales en vastes fresques sociales, Perez Galdos est devenu le plus grand écrivain espagnol de son temps. Mais » Tristana » ne ressemble pas aux autres romans de l’auteur : c’est un texte bref, dense, au réalisme estompé. L’action en est simple et la narration, souvent elliptique, se concentre sur trois personnages : l’orpheline Tristana, don Lope, son tuteur tyrannique, et Horacio Dias, son amant. Reste l’exploration psychologique, à laquelle Galdos se livre avec délice, mêlant l’humour, la mélancolie et une cruauté voisine de la perversité. En 1970, Luis Bunuel tirait de ce roman énigmatique un film admirable.