vendredi , 7 février 2025

Après Dieu

Auteur: Richard Malka

Editeur: Stock – 22 janvier 2025 (150 pages)

Lu en janvier 2025

Mon avis: Dans la collection « Ma nuit au musée », l’éditeur demande à un auteur de choisir un musée, d’y passer une nuit pour s’imprégner du lieu, puis de livrer le récit de cette expérience.

Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, a choisi le Panthéon, pour y dialoguer avec Voltaire.

Pour lui poser la question qui le taraude depuis longtemps, et de façon particulièrement aiguë depuis le 7 janvier 2015 : par qui remplacer Dieu ? Par quelle transcendance remplacer ces impostures que sont les religions ?

S’ensuit une conversation entre l’avocat incroyant et l’un des plus brillants représentants de l’Esprit des Lumières, sur Dieu, les religions, leur place dans la société, le « respect » qu’on leur devrait, les fanatismes, l’intolérance, la laïcité, la liberté.

Sur ces différents sujets, on s’en doute, on le sait, Richard Malka a des opinions tranchées.

Il est pour : la liberté d’expression et de pensée, et la liberté tout court ; la laïcité, le contrôle des religions par l’Etat ; l’humanisme, le savoir, la science, le débat, la controverse, l’argumentation, la critique, la différence, l’altérité, le doute, l’honnêteté intellectuelle ; l’amitié, le rire, le plaisir, la vie.

Il est contre : les religions et tous les enfermements qui en découlent : communautarisme, asservissements, fanatismes, terrorismes, violences, morts ; il est contre le « respect » des religions, la victimisation des croyants « offensés », contre le contrôle de l’Etat et de la société par les religions, contre le rejet de la critique et du doute, le prosélytisme, contre ceux qui prétendent connaître la volonté de dieux qui ne s’expriment pas.

Pour les idées et contre les idéologies.

Pour le droit au blasphème et contre les dogmatismes.

Chaque phrase de ce livre est une citation en puissance.

Après « Le droit d’emmerder Dieu » et « Traité sur l’intolérance », Richard Malka livre un nouveau texte intelligent, brillant, implacable, limpide, juste, puissant, salutaire.

Un texte dont on ne peut que regretter – profondément, absolument – qu’il soit encore et toujours nécessaire à notre époque.

En partenariat avec les Editions Stock via Netgalley.

#AprèsDieu #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

Une nuit. Le Panthéon pour enceinte d’un dialogue entre Richard Malka, incroyant bien décidé à rire encore de Dieu, en guerre contre le « respect » nouvellement dû aux religions, et Voltaire, le plus irrévérencieux philosophe des Lumières, défenseur de Calas et du Chevalier de la Barre. Sont-ils d’accord sur tout ? Pas tout à fait. Disciple de Robert Badinter et Georges Kiejman, l’avocat évoque les attentats, les morts, son histoire familiale, sa répulsion envers le prosélytisme et les enfermements communautaires. Surtout, il pose à Voltaire la question qui l’a mené au Panthéon. Par quoi remplacer Dieu ?

Quelques citations:

– [Citant Voltaire]: « Si Dieu voulait un culte, il l’aurait obtenu aisément de tous les hommes; il a voulu que tous les hommes eussent un nez et ils en ont ». Tu avais le sens de la formule. Ta phrase m’évoque un des plus beaux versets du Coran: « Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur Terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants? »

– Ni le culte de la raison, ni celui de l’Être suprême, ni le sacré républicain, ni une quelconque philosophie n’ont durablement remplacé les religions que tu as combattues et le fanatisme dégoûtant est revenu, aussi monstrueux que tu l’as connu. Peut-être pire encore. De mon temps, on décapite des enseignants. Alors dis-moi, François-Marie… Quelle transcendance faut-il inventer pour remplacer ces impostures? Quel « plus grand que soi » faut-il imaginer pour satisfaire notre indéracinable besoin de croire? Quel combat faut-il mener pour vaincre ces maladies honteuses de l’humanité et cesser de préférer l’esclavage à la liberté? »

– [Citant Robert Badinter:] « Vous ne pouvez pas demander au paysan du Sahel qui se brise le dos sur sa terre aride, à l’ouvrier du Bangladesh qui peine à nourrir ses enfants en travaillant quinze heures par jour, à la femme de ménage haïtienne qui s’échine au milieu du chaos, de renoncer à une vie meilleure dans l’au-delà. Ils ont besoin de croire à un plus grand que soi, sinon c’est trop dur. Renoncer à une puissance consolante et prometteuse reviendrait, pour eux, à se priver de tout espoir. C’est impossible. Et quand la croyance en un absolu rencontre la sève bouillonnante et idéaliste de la jeunesse, alors le fanatisme guette. […] Le désir de Dieu est viscéral. Pour beaucoup, la vie sans liberté est possible mais la vie sans Dieu ne l’est pas. Quelles libertés, d’ailleurs, pour l’ouvrier du Bangladesh ou le paysan du Sahel? »

– Ce pays est à l’origine d’une idée qui veut dire liberté, humanisme, possibilité de vivre ensemble, par-delà les enfermements communautaires et les différences. La laïcité est le produit le plus abouti des Lumières. […] Et nous n’en voulons plus. Pour des intellectuels, des éditorialistes, des politiques, des adeptes du pas-de-vaguisme, des lycéens généreux qui n’ont pas l’âge de comprendre qu’ils tolèrent ce qui, un jour, soumettra leurs enfants au malheur, la laïcité révolutionnaire serait un instrument de domination des défavorisés. Par racisme, on ne les laisserait pas exercer leur culte paisiblement. En réalité personne n’interdit à quiconque de se rendre dans un lieu de prière […]. Mais si l’Etat ne contrôle pas les religions, ce sont les religions qui le contrôlent. Si le prosélytisme n’est pas encadré, c’est un cancer qui métastase en violence, en aliénation des esprits, en soumission des corps. Il est donc simplement réclamé aux croyants de tous les cultes de ne pas interférer avec les lois des hommes, celles de la République. C’est tout, c’est simple, ce n’est pas raciste et c’est même vital. Quand on me vante une religion quelle qu’elle soit plutôt que de la garder pour soi, on ne veut pas mon bien, on veut m’inféoder, me manipuler, bref, on se fout de moi. »

– L’ennemi de nos libertés est aussi redoutable que masqué. Il se fait appeler Respect. Une fois pour toutes, le respect des religions mène dans une sombre caverne gardée par des fanatiques qui se diront victimes en vous torturant. Je respect absolument tous les croyants mais pas les délires des dix mille religions recensées sur la surface de la Terre. En enseignant à nos enfants le respect des religions, nous les avons préparés à l’esclavage. C’est un fascinant suicide de la liberté, dicté par une vision de la tolérance dont profitent l’intolérance religieuse et son cortège de préjugés. »

– « La religion opprime, on la combat, elle recule, elle laisse un vide, c’est la panique, elle revient, on n’en sort pas. »

– « Les motivations sont plurielles et souvent respectables mais le symbole ne change pas. Qu’il s’agisse du hijab porté par des étudiantes prosélytes, d’un voile de protection, de dévotion, de recherche identitaire, ou du foulard de ma grand-mère, le voile reflète le pire d’une société patriarcale, un différentialisme à raison du genre conduisant à invisibiliser la féminité. Pour les Iraniennes, les Afghanes et bien d’autres, il symbolise la mort sociale, voire la mort tout court. Ne serait-ce que par solidarité pour ces femmes, cela devrait conduire à une réflexion de celles qui le portent ou le défendent. Par quel étrange miracle un symbole de tyrannie à l’égard des femmes en Iran est-il devenu un étendard de la liberté religieuse en France? »

– « Il faut vraiment être tordu pour prétendre interdire de rire des soixante-douze vierges censées attendre des kamikazes qui empilent leurs slips pour protéger leurs parties génitales de l’explosion de leur ceinture d’explosifs. Oui, car ce serait ennuyeux qu’ils ne puissent se livrer au viol collectif promis à leur arrivée au Paradis. Précisons que, pour les femmes kamikazes, les réjouissances ne sont pas tout à fait égalitaires puisque, pour elles, la promesse c’est de retrouver…leur mari. Pas de chance. On ne pourrait davantage se moquer de Moïse qui sépare la mer en deux avec son bâton, de l’Immaculée Conception, des Illuminati, de Zeus lançant des éclairs […], de ceux qui pensent que des puces ont été introduites dans les vaccins contre le Covid et de toutes les dingueries que les humains inventent car cela pourrait être « offensant ». Je suis vraiment désolé, mais si vous êtes blessé par la critique de vos croyances, il faut apprendre à vivre avec. C’est le prix de l’altérité. Pour ne jamais être blessé, il ne faut fréquenter que des individus pensant exactement à l’identique ou, plus sûr, ne parler à personne. […] Cette idéologie de l’offense et du respect conduit au rejet du doute, de la critique, de la confrontation à l’autre, de la controverse enrichissante. C’est un éloge de la faiblesse qui devient une qualité, une jouissance d’adopter une position de victime ».

– « Que pourrais-je ajouter sur le 7 janvier [2015] que je n’aie déjà plaidé… J’ai perdu une famille pour des dessins de grands enfants. Et dix ans plus tard, j’entends encore ânonner qu’il ne faut pas blesser les croyants. Je n’en peux plus d’entendre ça. Être blessé par l’exercice d’un droit, c’est le problème de celui qui est blessé, pas de celui qui ne fait qu’exercer son droit. Si on devait définir le périmètre de nos droits en fonction de la sensibilité des croyants les plus susceptibles, autant aller vivre en Afghanistan. Voilà où mène la tyrannie de la blessure, celle où l’on tue son prochain sans état d’âme. »

– « Il est temps de dire que renoncer à sa liberté, ce n’est pas respecter Dieu, c’est insulter la vie et, ce faisant, pour ceux qui croient, c’est injurier le créateur de la vie. Quel dieu offrirait l’étincelle de vie pour qu’elle ne soit pas explorée dans ses moindres recoins? […] Il est temps de briser les fers de la persécution des humains, non par des dieux qui ne s’expriment pas, mais par des humains prétendant connaître leurs volontés pour mieux régner sur Terre, et il est temps d’être impitoyable à l’égard de ceux-là. Il est temps d’enseigner que le vrai sacrilège, c’est de préférer la servitude à la liberté et que la pire des offenses à l’égard de la création consiste à en rejeter les infinies possibilités de liens, d’amour, de débats, de rire, de réflexions, d’échanges et de plaisir qui nous sont offertes. Il est temps de dire que si Dieu ou les forces de l’Univers nous ont donné la volupté, le désir et la sensualité, alors il est de notre devoir de les éprouver plutôt que d’en faire des crimes. »

– « Ayons un dieu ou pas, mais ne renonçons jamais au savoir, à la logique, à la science, à l’amitié par-delà les communautés de croyance. »

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