Auteur: Jean-Claude Lalumière
Editeur: Le Dilettante – 2010 (252 pages)/Le Livre de Poche – 2012 (209 pages)
Lu en janvier 2022
Mon avis: Aah le Quai d’Orsay, ce haut lieu de l’Administration française, cette voie royale (ou républicaine) d’embarquement vers de palpitantes aventures diplomatiques, là d’où s’élance le train de la carrière des fonctionnaires férus d’exotisme et de service public !
C’est en tout cas l’idée que le narrateur se fait du ministère des Affaires étrangères, lui qui vient tout juste d’en réussir le concours d’entrée. Ambitieux, le jeune homme a passé son enfance bordelaise, solitaire et ennuyeuse à éplucher tous les magazines GEO qui lui tombaient sous la main, à rêver d’évasion et à décider que, quand il serait grand, il voyagerait, et tant qu’à faire en joignant l’utile et l’agréable, c’est-à-dire en voyageant dans le cadre professionnel.
Et donc le voilà qui monte à Paris pour prendre son poste, encombré d’un volumineux attaché-case offert par sa maman toute fière de voir son fiston entrer au service de l’Etat. Lequel objet importun vaudra à notre candide anti-héros, après quelques péripéties, d’être affecté (lire : relégué) au « bureau des pays en voie de création – section Europe de l’Est et Sibérie ». « On vous envoie sur le front russe ! C’est vache pour un nouveau ». Et de fait, les ors du prestigieux Quai d’Orsay se transforment pour le narrateur en une voie de garage planquée derrière la gare d’Austerlitz, un service-placard dans lequel la locomotive du plan de carrière ne passe pas, en dépit des vaines tentatives du narrateur pour se démarquer « brillamment ».
Burlesque et désespérant, « Le front russe » n’est pas une « bête » caricature sur le dos des fonctionnaires. C’est bien plus fin et subtil que ça, et même si le narrateur est un grand naïf gaffeur, il n’en est pas moins de bonne volonté et ambitieux. Cette satire vise davantage une certaine Administration sclérosée, et sa plus grande force, à savoir sa force d’inertie, qui parfois bride, décourage et fige les plus motivés et/ou honnêtes, ce qui est d’autant plus regrettable que l’on se prétend en charge de l’intérêt général.
Un roman cynique et jouissif qui se lit très vite et avec beaucoup de plaisir.
Présentation par l’éditeur:
– On vous envoie sur le front russe ! C’est vache pour un nouveau.
Je n’avais pas envie de discuter de cela avec lui.
– Pouvez-vous simplement me dire où cela se trouve ? insistai-je.
– C’est dans les nouveaux quartiers, juste derrière la gare d’Austerlitz.
Qui veut voyager loin passe un concours du ministère des Affaires étrangères. Mais le quai d’Orsay n’est pas toujours un quai d’embarquement et le narrateur se retrouve dans un obscur service, le « Bureau des pays en voie de création- Section Europe de l’Est et Sibérie »…