Auteur: Joseph Kessel
Editeur: Editions 10/18 – 1992 (301 pages)
Lu en décembre 2021
Mon avis: En cet an de grâce 1916, la Russie impériale et la dynastie des Romanov ont perdu beaucoup de leur splendeur et sont en pleine décadence. Embourbé dans la première guerre mondiale, le régime tsariste vacille, de plus en plus contesté sur le plan interne. L’un des derniers clous à son cercueil s’appelle Raspoutine. Ce personnage mystique, fanatique et dépravé est devenu, grâce à ses dons de guérisseur, le proche confident de la tsarine après avoir soigné l’héritier du trône. Passé de confident à conseiller puis à éminence grise à peine cachée de celle-ci, il exerce à travers elle une influence considérable sur le tsar et sa politique, et se crée par la même occasion de nombreux ennemis parmi ceux qui l’observent conduire la Grande Russie à sa perte et qui regrettent la puissance et les fastes d’antan de l’Empire.
« Les rois aveugles » retrace les semaines précédant l’assassinat de Raspoutine par un groupe de conjurés emmenés par le prince Youssoupoff. Dans son avant-propos, Joseph Kessel précise qu’ « il n’est pas une péripétie, une anecdote historique, dont la source ne soit pas un document ou un entretien avec l’un des protagonistes ou des témoins du grand drame ». A ce récit historique, l’auteur a néanmoins intégré quelques personnages et une intrigue secondaire fictifs, mais qui contribuent à illustrer l’emprise exorbitante de Raspoutine sur la tsarine, son magnétisme et sa quasi toute-puissance. Portrait d’un tsar naïf, d’une impératrice envoûtée et d’un personnage fascinant à la fois charismatique et répugnant, « Les rois aveugles » sont aussi la chronique saisissante d’une fin de règne et d’un empire en voie de dissolution.
Présentation par l’éditeur:
Peindre, au cours d’un récit limité à une période très brève, la décomposition à son paroxysme d’un vaste et puissant empire; essayer de comprendre et de faire saisir les causes morales d’un écroulement sans pareil; n’accuser personne; démasquer le visage de la fatalité, arbitre des peuples, qui ne fut jamais aussi apparent que dans les semaines qui précédèrent la révolution russe, tel est le dessein du livre.
Dans Les Rois aveugles, il n’est pas une assertion, une anecdote, une suggestion qui ne soit un fait matériellement appuyé, qui n’ait sa source dans un document ou dans une conversation que nous pûmes avoir avec un des protagonistes ou des témoins du grand drame.
Si nous prenons soin de l’affirmer, c’est que la réalité russe a souvent défié la vraisemblance, et le temps de Raspoutine plus que tout autre.
Cette tragédie qui, au dire de l’auteur, constitue une des plus fantastiques aventures humaines, prend sous la plume de Joseph Kessel, reporter le plus prestigieux de son temps, « Témoin parmi les hommes », une ampleur, une vérité sans égale. On dirait que deux écrivains ont donné ici le meilleur d’eux-mêmes, l’académicien français et l’émigré russe.
J’ai pas mal lu Joseph Kessel à un moment (j’adorais notamment La vallée des rubis, et La Passante du Sans-souci), mais jamais celui-ci. Je devrais me replonger dans ses livres – tout en espérant les aimer autant qu’à l’époque de mes premières lectures. Quel auteur foisonnant.