mercredi , 20 novembre 2024

L’homme qui aimait les chiens

Auteur: Leonardo Padura

Editeur: Métailié – 2011 (672 pages)/Suites – 2024 (744 pages)

Lu en octobre 2024

Mon avis: Dans les années 70, Iván, un jeune Cubain, sympathise sur une plage de La Havane avec un homme âgé et malade qui, au fil de leurs rencontres, lui raconte l’histoire de Ramón Mercader, l’assassin de Trotski.

Dans les années 30, Mercader est un jeune communiste espagnol, engagé dans la guerre d’Espagne contre les troupes de Franco. Il ne tarde pas à être recruté par l’URSS, et est envoyé à Moscou pour y être formé en vue d’une mission censée changer le cours de l’Histoire : l’assassinat de celui que Staline ne cesse de désigner comme l’infâme traître à la Révolution : Trotski.

En parallèle de ce récit, l’auteur retrace aussi l’histoire de ce même Trotski à travers ses différents exils à partir de 1929 jusqu’à Mexico en 1940, en passant par la Turquie, la France et la Norvège.

Enfin, un troisième fil narratif est tissé, entrelacé aux deux autres, celui du parcours d’Iván, écrivain raté, coincé entre loyauté à la Révolution castriste et vicissitudes de la vie quotidienne étriquée des Cubains.

Les vies de Trotski et Mercader sont racontées avec force minutie, entre événements historiques et questionnements existentiels sur la responsabilité, la culpabilité, le courage, la loyauté, la lâcheté, la persévérance et l’utilité de continuer à dénoncer les crimes de Staline d’une part, et d’autre part d’investir autant de moyens pour abattre un Trotski dont on se demande quel danger réel il représente encore.

Quant aux déboires d’Iván, ils occupent moins de place mais témoignent bien de l’atmosphère délétère et étouffante régnant à Cuba dans les années 60.

Ces trois personnages ont en commun d’avoir connu (et commis) trahisons, mensonges, manipulations, violences et drames, et de s’interroger sur le sens de leur vie : cela en valait-il la peine ? Aurait-on pu/dû agir autrement ?

Leonardo Padura a accompli un gigantesque travail d’enquête et de documentation pour reconstituer les faits et la vie quotidienne (forcément romancée faute de certitudes) de ces deux personnages historiques.

Avec cette somme, il veut dénoncer la propagande et l’idéologie communistes qui ont coûté la liberté et la vie de millions de gens à travers le monde. Il raconte aussi la révolte, l’écœurement ou la résignation de ceux qui y croyaient vraiment et qui ont fini par comprendre que leur idéal avait été dévoyé par les monstrueux appétits de pouvoir de quelques-uns. Un terrible gâchis sur la fin d’une utopie et la perte des illusions, qui prend ici la forme d’un suspense même si on en connaît la fin.

J’ai trouvé cependant que la tension du récit se relâchait par moments à cause de longueurs et de répétitions, et s’encombrait d’une foule de détails où je me suis parfois perdue (les différentes factions communistes, la succession de purges staliniennes), ainsi que de réflexions psychologiques à la limite du romantico-larmoyant.

Présentation par l’éditeur:

En 2004, à la mort de sa femme, Iván, écrivain frustré et responsable d’un misérable cabinet vétérinaire de La Havane, revient sur sa rencontre en 1977 avec un homme mystérieux qui promenait sur la plage deux lévriers barzoï. Après quelques conversations, « l’homme qui aimait les chiens » lui fait des confidences sur Ramón Mercader, l’assassin de Trotski qu’il semble connaître intimement.

Iván reconstruit les trajectoires de Lev Davidovich Bronstein, dit Trotski, et de Ramón Mercader, connu aussi comme Jacques Mornard, la façon dont ils sont devenus les acteurs de l’un des crimes les plus révélateurs du XXe siècle. A partir de l’exil de l’un et l’enfance de l’autre, de la Révolution russe à la Guerre d’Espagne, il suit ces deux itinéraires jusqu’à leur rencontre dramatique à Mexico. Ces deux histoires prennent tout leur sens lorsque Ivan y projette ses aventures privées et intellectuelles dans la Cuba contemporaine.

Dans une écriture puissante, Leonardo Padura, raconte, à travers ses personnages ambigus et convaincants, l’histoire des conséquences du mensonge idéologique et de sa force de destruction sur la grande utopie révolutionnaire du XXe siècle ainsi que ses retombées actuelles dans la vie des individus, en particulier à Cuba.

Un très grand roman cubain et universel.

Evaluation :

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