mercredi , 20 novembre 2024

Histoire d’une domestication

Auteure: Camila Sosa Villada

Editeur: Métailié – 19 août 2024 (224 pages)

Lu en juillet 2024

Mon avis: Le personnage principal de cette histoire, c’est la comédienne, « l’actrice trans la plus connue du monde », qui peut tout jouer sur scène, tout se permettre vu son succès insolent.

Elle s’est mariée avec l’avocat, gay et bourgeois, et ils ont adopté l’enfant, orphelin porteur du VIH.

Autour d’eux gravitent le père, la mère, le demi-frère, le metteur en scène, l’un ou l’autre amant et quelques autres personnages dont le point commun est de ne jamais être identifiés par leur prénom. Est-ce une volonté de l’auteure de fondre tout ce microcosme dans l’anonymat du Mr et Mme Tout le Monde ?

Difficile pourtant pour cette famille hors « normes » de passer inaperçue : une femme transgenre, un mari homosexuel, tous deux extravertis et assumant leur sexualité à la face du monde, et un enfant « sidaïque », de quoi les classer chacun dans une minorité potentiellement exposée aux critiques, discriminations, violences.

Mais la comédienne, au tempérament de feu, libre et indépendante, a voulu se « domestiquer » en fondant une famille. Pour se caser, se canaliser, (se) prouver qu’elle peut être une épouse et une mère de famille mature et raisonnable, aussi compétente qu’une autre ? Allez savoir, et lire le résultat…

Dans ce roman alternant passé et présent, on découvre le parcours de la comédienne, d’un bled paumé à la campagne à la grande ville, de la pauvreté au luxe et à l’opulence, du rejet à la célébrité et la gloire, de la liberté à la vie bien rangée. Des contrastes et des oppositions qui ne tranchent pas autant dans le vif que ce que la comédienne veut faire croire, aux prises, malgré elle et les années, avec son passé et son identité.

L’histoire est racontée à la troisième personne, par un narrateur extérieur qui pourrait bien être un double de la comédienne, et qui livre son récit d’un ton sarcastique et incisif. On y observe une femme tourmentée, complexe, paradoxale, qui se débat dans ses questionnements avec des cris, des larmes et du fracas, du désir, de l’amour et du sexe.

J’ai aimé ce ton ironique, insolent, provocant, sans tabou, un peu moins son côté parfois trop mélodramatique, très cru et explicite (et j’ai vraiment du mal avec la vulgarité). C’est aussi un peu redondant, mais les derniers chapitres sur la confrontation avec le passé rattrapent l’ensemble et rendent les personnages presque attachants. Si globalement je suis restée un peu à distance, l’écriture flamboyante de Camila Sosa Villada fait de la comédienne un personnage des plus marquants.

En partenariat avec les Editions Métailié.

Présentation par l’éditeur:

« Une comédienne, on ne cherche pas à savoir qui elle est. Une comédienne, on l’invente. Une comédienne est un rêve ». La comédienne de ce roman, l’actrice trans la plus connue du monde, peut vivre toutes les vies sur scène mais se sent acculée par un nouvel événement dans son quotidien : elle a décidé, contre tout bon sens, de fonder une famille.

Contre l’avis de tout le monde aussi, elle décide de monter une pièce de Jean Cocteau, « pourquoi pas quelque chose de moins français, de moins tordu ? « , et de tenter, en plus, un retour périlleux au village natal pourvoir ses parents… Toutes les conditions sont réunies pour raconter une histoire d’amours, des amours violentes, déchirantes, mais aussi mémorables et tendres.

Ce roman élégant, érotique et profondément universel est un coup de pioche dans les fondations de la famille et des traditions, une exploration brutale d’un couple atypique (mais quel couple ne l’est pas ? ), un livre sur les mille et une manières de désirer, de provoquer, de ressentir.

Une citation:

– Elle avait été une grande disciple dans l’art de rendre un homme fou. Elle avait appris que ce qui comptait, ce n’était pas l’amour, la routine ou les jours à se réveiller l’un à côté de l’autre, mais la satisfaction d’avoir un type avec qui jouer et que l’on pouvait embrouiller. L’art d’ôter à l’homme tout point d’appui, de le blesser, de lui faire des promesses, de le menacer, de dessiner pour lui un monde qu’on pouvait détruire d’un simple soupir.

Evaluation :

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