Auteur: Virginie Jacoberger-Lavoué
Éditeur: Editions du Rocher – 20 janvier 2021 (312 pages)
Lu en mars 2021
Mon avis: « Ordem e progresso », c’est la devise inscrite sur le drapeau brésilien. Pauvre Brésil. La réalisation de ces deux objectifs paraît lointaine, et manifestement ce n’est pas Bolsonaro qui va y changer grand-chose. Élu président de la première économie d’Amérique latine (et la 8ème mondiale) en 2018, le « Messie » (son deuxième prénom) n’a pas (encore) fait de miracle. Parti en campagne sur les thèmes de la corruption et de la violence, il a gagné par défaut, bénéficiant des votes de rejet des Brésiliens écœurés par le Parti des Travailleurs de Lula et Dilma Rousseff et les scandales de corruption mis au jour par l’opération Lava Jato. L’homme « providentiel » n’usurpe pas son surnom de « Trump des Tropiques »: ultra-conservateur, populiste, raciste, misogyne, homophobe, climato-sceptique, ancien militaire nostalgique de la dictature, ses opposants l’ont vu arriver au pouvoir avec une inquiétude énorme : bruits de botte, autocratie,… où donc allait le Brésil ?
Deux ans plus tard, quand la pandémie de Covid-19 atteint le pays, il ne trouve rien de mieux à faire que de s’en moquer, de dire qu’il ne s’agit que d’une petite grippe, que c’est la volonté de Dieu et le destin de chacun de mourir un jour. Il décide de ne rien faire, et de critiquer ceux qui font quelque chose pour éviter la propagation du virus, à savoir les gouverneurs et les élus locaux. Lui privilégie l’économie à la vie, et une frange des Brésiliens vivant dans la précarité le suit, puisque sans travail ils ne survivront pas. D’où le regain de popularité de Bolsonaro quand il décide d’octroyer une allocation exceptionnelle aux plus démunis, et ce malgré la barre des 100.000 morts atteinte en août 2020, alors qu’il a lui-même été atteint par le virus et y a résisté, ce qui ajoute à son mythe personnel.
Cette popularité ne semble pas plus entamée par la crise économique et la crainte d’une nouvelle récession, par les inégalités aggravées, l’ultra-violence dans les favelas, la déforestation accélérée de l’Amazonie, autant de fléaux qui existaient certes avant son arrivée au pouvoir, mais qui ne semblent guère le préoccuper. Et d’ailleurs, qu’est-ce qui le fait courir, Bolsonaro ? Le pouvoir pour le pouvoir, les prochaines élections, sa propre personne, ses trois fils qui le conseillent, encore plus détestables et « chiens fous » que leur père. Un brin parano (« c’est la faute à la gauche »), dépourvu de diplomatie et de subtilité, accro à Twitter, allergique aux médias traditionnels, l’homme n’est pas un foudre de guerre et n’a pas de réelle stature politique. Selon un économiste local : « il n’a pas de compétences spécifiques, dans aucun domaine ; comme Trump, il sait parler aux masses mais manque de fond. Il tranche, en prenant des décisions dans la perspective des élections à venir et non en se préoccupant de l’avenir du pays« .
Ce livre dresse donc un portrait peu flatteur (euphémisme) de Bolsonaro, et des défis colossaux auxquels est confronté le Brésil. Qu’en sera-t-il de sa popularité et des élections présidentielles de 2022, maintenant que son mentor Trump a été écarté, et que Lula est à nouveau éligible depuis que ses condamnations ont été annulées ce 8 mars par un juge de la Cour Suprême ? La suite aux prochains épisodes…
Merci aux Éditions du Rocher et à l’opération Masse Critique de Babelio pour ce livre intéressant pour le portrait de l’homme, mis en contexte avec l’histoire contemporaine du Brésil, et qui constitue une bonne base de départ pour qui connaît peu de choses de la réalité de ce pays.
Un bémol toutefois qui concerne le travail d’édition, me semble-t-il : j’ai eu souvent l’impression que le livre était un assemblage de textes écrits à des moments différents et mis bout à bout sans se préoccuper des nombreuses redites, avec une structure globale un peu brouillonne sans réelle cohésion d’ensemble. Impression aussi que la relecture a été expédiée : trop de coquilles (ma préférée : « un serment de vigne ») et de phrases à la construction hasardeuse. Avec les multiples statistiques qui émaillent le texte (et qui personnellement m’ont écrasée), tout cela rend la lecture trop peu fluide à mon goût.
Présentation par l’éditeur:
C’est avec la promesse de soigner les grands maux du Brésil, la violence et la corruption, que Jair Bolsonaro, ouvertement misogyne, raciste, homophobe et nostalgique de la dictature, a réussi à séduire les Brésiliens en 2018. Un vent de dégagisme l’a porté à la tête de la première puissance économique d’Amérique latine. Depuis, le « Trump des Tropiques », soutenu par les pro-armes, les évangéliques et les grands propriétaires terriens, a multiplié les provocations jusqu’à pulvériser les usages de la diplomatie.
Malgré la gestion désastreuse de la crise sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19, des inégalités aggravées par une économie qui patine, un chômage qui grimpe, l’escalade de la déforestation, sa popularité ne faiblit pas. Quel est donc le mystère Bolsonaro ? Quels sont ses échecs et ses réussites ? Qui parvient à l’influencer, ses fils ou les militaires ?
Des réformes ont été lancées, mais le risque d’une nouvelle récession, la seconde en cinq ans, est réel. Pourtant, la préoccupation principale du président ultra-conservateur reste les élections de 2022. D’ici là, son clan pourrait être rattrapé par les affaires…
Cette vaste enquête plonge dans les coulisses du pouvoir, dans l’entourage présidentiel aussi bien que chez ses détracteurs. Étayée par de nombreux témoignages, elle dessine le bilan des deux premières années du mandat Bolsonaro et nous offre le portrait d’un pays fracturé, une photographie pleine de contrastes de la société brésilienne.
Une citation:
– C’est l’avis d’un autre médecin brésilien […]: « Le masque, l’hydroxychloroquine… tout est devenu politique dans cette crise, la polémique monte alors que nous-mêmes, médecins, nous savons qu’il faudra encore du temps avant de pouvoir exprimer un avis définitif. Il y a une dissonance entre le temps scientifique et le temps médiatique, et une information qui n’est plus celle des médias, mais des réseaux sociaux, un mélange de provocations gratuites et de connaissances déficientes ».