Auteur: Dino Buzzati
Editeur: Robert Laffont – 1967 (360 pages)/Pocket – 2004 (441 pages)
Lu en avril 2023
Mon avis: A travers les 50 nouvelles de ce recueil, Dino Buzzati nous livre ses préoccupations et ses angoisses existentielles. Naviguant du réalisme au fantastique, s’inspirant de faits divers ou adoptant la forme de la fable ou du conte, il passe au crible les défauts humains et les affres de la condition humaine. En se mettant lui-même en scène à plusieurs reprises, il évoque la jalousie, le jeunisme, la quête de gloire, de fortune ou d’amour et leurs rançons aliénantes. Il y est aussi question de la guerre et des dictatures, de la solitude, de la vieillesse, de la mort, du temps perdu à attendre le bonheur et surtout (en écho au Désert des Tartares) du gâchis, dont on prend conscience trop tard, d’une vie non vécue (« Et je reste là à me tourner les pouces, je regarde autour de moi, j’attends, comme si le beau côté de la vie était encore à venir et qu’il n’y eût aucune urgence. Arrivé à ce point j’éprouve une sensation de précipice sous mes pieds, le remords du temps gâché, le vertige du vide et de la vanité »).
Ces nouvelles sont sombres mais lucides, parfois allégées d’un trait d’humour (grinçant). D’une lecture aisée, ces textes profonds et sensibles ébranlent en nous renvoyant à notre propre finitude.
Présentation par l’éditeur:
Lorsque le vieux Stefano rencontre enfin le K, le squale qui doit le dévorer, il découvre que le monstre l’a poursuivi sur toutes les mers du monde, non pour le dévorer, mais pour lui remettre la perle merveilleuse « qui donne à celui qui la possède fortune, puissance, amour et paix de l’âme ».
Devenu, avec Le Désert des Tartares, un classique du XXe siècle, Le K ouvre un recueil de 50 contes fantastiques où l’on retrouve tous les thèmes poignants et familiers de Dino Buzzati : la fuite des jours, la fatalité de notre condition de mortels, l’angoisse du néant, l’échec de toute vie, le mystère de la souffrance et du mal.
Autant d’histoires merveilleuses, tristes ou inquiétantes pour traduire la réalité vécue de ce qui est par nature incommunicable.
Une citation:
– Vous aurez toujours moins de lecteurs, toujours moins… s’emporte Schiassi. Littérature, art?…tout ça, c’est des grands mots… Mais l’art au jour d’aujourd’hui ne peut être qu’une denrée, comme un bifteck, un parfum, un litre de vin. De quel art s’occupent les gens? Regarde la marée montante qui est en train de tout submerger. De quoi est-elle faite? De chansons, de chansonnettes, de paroliers, de musiquette… bref d’une marchandise d’usage courant. Voilà la gloire. Tu as beau écrire, toi, des romans très intelligents et même géniaux, le dernier des yéyés t’écrasera sous le poids de ses triomphes. Le public va droit au solide, à ce qui lui donne un plaisir matériel, palpable, immédiat. Et qui ne lui coûte pas de fatigue. Et qui ne fasse pas travailler le cerveau… […]
– Oui, dis-je, [mais] ces idioties dont tu parles seront encore ce qui nous distinguera le plus des bêtes, aucune importance si elles sont suprêmement inutiles, peut-être au contraire justement à cause de ça. Plus encore que la bombe atomique, les spoutniks et les rayons intersidéraux. Et le jour où ces idioties auront disparu, les hommes seront devenus de pauvres vers nus et misérables, comme au temps des cavernes.
(Le Magicien)