jeudi , 25 avril 2024

La gravité des étoiles

Auteure: Pascale Joye

Editeur: Librinova – 29 mars 2023 (209 pages)

Lu en avril 2023

Mon avis: Constance et Rosalie ont en commun d’être des victimes de violences conjugales.
A travers ses deux personnages principaux, le roman entrelace deux fils narratifs, celui qui remonte une trentaine d’années plus tôt, aux débuts de la relation entre Constance, 20 ans, et Richard, le double de son âge. Il décortique le calvaire de la jeune femme, la façon impitoyable et insidieuse dont le piège de l’emprise s’est refermé sur elle, jusqu’à la détruire. Ou presque, puisque le second fil se déroule de nos jours, et revient sur la rencontre entre Constance et Rosalie, celle-ci étant la nouvelle femme de ménage de celle-là. Le chemin de croix de Constance est désormais terminé, bien qu’il ait laissé des traces indélébiles, mais elle devine que celui de Rosalie ne fait que commencer. Au fil des confidences, cette dernière raconte comme ce qu’elle croyait être de l’amour de la part de son Tony s’est douloureusement révélé être de la possessivité, incluant les passages à tabac au moindre prétexte.
Des milieux sociaux radicalement différents, des violences principalement psychologiques d’un côté et plutôt physiques de l’autre, mais la même emprise exercée par ces deux individus odieux qui se disent « hommes », et la même incapacité pour les deux femmes à y échapper, à s’enfuir (ou alors, pour Constance, en payant le prix fort, après des épreuves ignobles). Une incapacité qui trouve son origine dans la dépendance affective et/ou financière, dans la honte, la peur de la solitude, du vide, de l’absence d’amour. Oui, d’amour, parce que Constance et Rosalie ont cru très longtemps, beaucoup trop, qu’elles aimaient ces hommes et qu’elles en étaient aimées, et que le reste était acceptable. Vu de l’extérieur, cela paraît inconcevable, mais les mécanismes et les ressorts psychologiques sont ici très bien décrits, et l’on comprend comment ces femmes se retrouvent piégées dans la métaphore de la grenouille ébouillantée.
Dans ce roman, Constance et Rosalie ont subi des choses abominables de la part de leurs conjoints, qui ne sont ni plus ni moins que des criminels. La barque est peut-être un peu trop chargée à cet égard, mais l’important est ailleurs. Ce roman est un plaidoyer contre les violences conjugales, et plus incidemment contre les violences obstétricales (il m’a rappelé « Le choeur des femmes » de Martin Winckler), et à ce titre, il est percutant, révolte et met en colère contre ces bourreaux qui se prétendent hommes.
Mais ce texte, avec sa plume toujours aussi fine, sensible et pudique que dans « Ce qu’il restera de nous », est aussi, et surtout, un hommage émouvant à toutes ces étoiles écrasées au sol par la brutalité et le cynisme de ceux qui se disent hommes. Certaines ne sont plus là pour en parler, d’autres s’en relèvent, mais à quel prix et dans quel état.
Au-delà de sa beauté formelle, un livre malheureusement nécessaire, encore et toujours.

Un grand merci à l’auteure de m’avoir recontactée pour me proposer son deuxième roman qui, sur un thème fort différent, tient cependant toutes les promesses du précédent.

#LisezVousLeBelge

Présentation par l’éditeur:

« Je ne demanderai pas à Rosalie pourquoi elle ne quitte pas cet homme, je devine les réponses, d’une banalité affligeante. Parce qu’on a peur. Parce qu’on aime encore. Parce qu’on ne vaut plus grand-chose sans lui, il l’a assez répété. Parce qu’on a déjà tellement accepté qu’on se dit qu’on pourra bien supporter davantage. Parce qu’on a le vertige d’une existence vide comme un romancier aurait celui de la page blanche.
Mais je devrai lui faire comprendre qu’on part toujours trop tard. »

Evaluation :

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