mardi , 3 décembre 2024

La Perle

Auteur: John Steinbeck (Prix Nobel de littérature 1962)

Editeur: Folio – 1973 (128 pages)

Lu en 2014

la perleMon avis: Début du 20ème siècle, quelque part en Basse Californie, Mexique. Sur une plage de la côte Pacifique, les huttes de pêcheurs s’alignent. Décor paradisiaque ? Ca aurait pu… Mais nous sommes chez Steinbeck, alors vous feriez bien de vous préparer à une histoire dramatique, au lieu de rêver soleil et cocotiers.
Kino, Indien, pêcheur, vit avec Juana et leur bébé Coyotito. Il ne possède que sa cabane et son bateau de pêche. Ils n’ont ni argent, ni instruction. Sont-ils malheureux ?
Un jour, Coyotito est piqué par un scorpion. Kino et Juana amènent le bébé à la ville, chez le docteur. Celui-ci, pour les pauvres, est aux abonnés absents.
Rentrant sa colère sous des strates séculaires d’oppression des indigènes par les Blancs, Kino retourne à la pêche, dans l’espoir de gagner un peu d’argent pour soigner son fils. Et là, miracle… Il pêche la « Perle du Monde », la plus grosse qu’on ait jamais vu sur Terre.
Kino voit là la fin de tous les problèmes de sa famille, alors que Juana pressent la catastrophe. Et en effet, après un bref moment d’euphorie, la Perle a tôt fait d’attiser la convoitise des voisins, de l’Acheteur de perles, et du docteur, qui soudain se souvient de son petit patient piqué par un scorpion. Et d’attiser aussi la paranoïa de Kino, qui craint les voleurs, et qui, de brave type, se muera peu à peu en fauve prêt à tout pour défendre son bien. Il avait soif d’argent, il avait trouvé le moyen d’être l’homme le plus riche de la région, et il va tout perdre.
Entre conte philosophique et tragédie classique, cette fable sur la richesse matérielle montre que si l’argent fait le bonheur des riches, il brise celui des pauvres. Les riches ont et auront toujours le pouvoir, et les pauvres resteront écrasés par leur destinée implacable d’esclaves. Chacun doit rester à sa place : « aspirer à un destin autre que celui pour lequel on semble avoir été créé, est-ce le péché ? La résignation vaut-elle mieux que la révolte ? » (introduction à l’édition Folio). Cette fable, cruelle, ne fait guère dans la nuance : il y a le Bien et le Mal, et peu de choses entre les deux. Mais c’est un petit bijou, noir, de poésie et de finesse psychologique, dans un style limpide. Comme pour Des souris et des hommes, je suis restée sans voix devant ce talent pur, capable de dire tant de choses en si peu de mots, de susciter tant de réflexions avec des histoires si simples, de marquer si profondément les esprits avec quelques lignes, et d’avoir une telle force d’évocation avec tant de pudeur et de douceur dans les phrases… Je me plagie moi-même, mais c’est parce que je ne m’explique toujours pas cette magie qui transcende des mots anodins et des faits divers en prodige littéraire intense et bouleversant…

Présentation par l’éditeur:

«Dans la ville, on raconte l’histoire d’une grosse perle – comment elle fut trouvée, puis perdue à nouveau ; l’histoire de Kino, le pêcheur, de sa femme Juana et de leur bébé Coyotito. Et comme l’histoire a été si souvent racontée, elle est enracinée dans la mémoire de tous. Mais, tels les vieux contes qui demeurent dans le cœur des hommes, on n’y trouve plus que le bon et le mauvais, le noir et le blanc, la grâce et le maléfice – sans aucune nuance intermédiaire.»

Une citation:

– « Car on dit que l’homme n’est jamais satisfait; qu’une chose lui soit offerte, et il en souhaite une seconde. Cela est dit dans un sens de dénigrement et c’est cependant là une des plus grandes qualités de la race humaine, celle qui la rend supérieure aux animaux, lesquels se contentent de ce qu’ils ont. »

Evaluation :

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3 commentaires

  1. Tant de richesses en si peu de mots, c’est bien du Steinbeck !

  2. Un roman que j’ai beaucoup apprécié. Merci pour cet article qui me rappelle cette belle lecture