mercredi , 24 juillet 2024

Le cinquième enfant

Auteur: Doris Lessing (Prix Nobel de littérature 2007)

Editeur: Le Livre de Poche – 1993 (186 pages)

Lu en 2014

le cnquième enfantMon avis: Harriet et David étaient faits pour se rencontrer. Personnalités semblables, un peu ternes, même conception de la vie, conformistes, ils rêvent de fonder la famille idéale, nombreuse, chaleureuse, un vrai foyer de convivialité. Et donc, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.
Mais surtout ne vous imaginez pas que le reste de l’histoire est un conte de fées tout en roses et violettes. Cela n’aurait aucun intérêt. Sous des apparences heureuses, c’est au contraire le début d’une descente aux enfers.
Cela commence par la maison, immense, achetée sur un coup de coeur malgré la dépense déraisonnable. Puis Harriet qui tombe enceinte et doit renoncer à travailler. Mais le jeune couple peut compter sur l’aide de la famille. Et après quelques années, le rêve semble en passe de se réaliser, malgré l’épuisement d’Harriet et la crise financière des années 70 : les 4 enfants sont adorables, la maison grouille de monde à chaque période de vacances.
C’est alors que, malgré les précautions, Harriet comprend qu’elle attend un cinquième enfant, et que la grossesse va mal se passer. le foetus fait preuve d’une force et d’une rage inouïes, torturant sa mère de l’intérieur comme s’il voulait se venger de ne pas avoir été désiré. A sa naissance, cet enfant étrange provoque le malaise, puis la peur, de son entourage. Différent, froid, ne manifestant aucune émotion hormis des accès de rage destructrice, sa mère voit en lui un monstre venu des temps anciens.
Difficile d’en dire plus sur cette graine de sociopathe sans dévoiler la trame de l’histoire, mais sachez que ce roman est brillant. Mais brillant comme l’acier, et tout aussi glacial. En moins de 200 pages, il amorce plusieurs pistes de lecture : sort réservé aux enfants « différents » dans la famille, à l’école, dans la société. Dilemme d’une mère qu’on culpabilise d’avoir enfanté ce monstre, tiraillée entre un reste d’instinct maternel et une aversion pour son rejeton, entre cet enfant qui la phagocyte littéralement et le reste de la fratrie délaissée. Désarroi du corps médical, résistance du couple. On s’interroge aussi sur la nature du Mal, inné ou acquis, sur son origine. Pourquoi un tel coup du sort sur cette famille parfaite ? Critique féroce de la middle-class britannique trop orgueilleuse et condescendante ? Métaphore de la crise économique et des années sombres de l’IRA dans lesquelles le pays va bientôt basculer ?
Ce roman court mais très riche ne fait pas vraiment dans le bon sentiment. Réaliste et sans fioritures, il se lit comme un thriller. Angoisse et malaise suintent à toutes les pages. Il est saisissant, effrayant. En peu de mots, il vous marque pour longtemps. Je pense que c’est ce qu’on appelle le talent…

Présentation par l’éditeur:

Pour Harriet et David, couple modèle, qui a fondé une famille heureuse, l’arrivée du cinquième enfant inaugure le temps des épreuves. Fruit d’une grossesse difficile, anormalement grand, vorace et agressif, Ben suscite bientôt le rejet des autres enfants, tandis que les parents plongent dans la spirale de l’impuissance et de la culpabilité.

La romancière du Carnet d’or, prix Médicis étranger 1976, mêle ici de façon impressionnante réalisme et fantastique, dans une fable cruelle qui met à nu l’envers et le non-dit des relations familiales.

Evaluation :

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4 commentaires

  1. Brrrr, il fait froid d’un coup malgré ces températures estivales !

  2. Un livre d’horreur tellement bien écrit. A lire pendant la canicule.

  3. je le note. pas pour tout de suite mais le thème m’intéresse…