vendredi , 29 mars 2024

Miss Jane

Auteur: Brad Watson

Editeur: Grasset – 5 septembre 2018 (277 pages)

Lu en août 2018

Mon avis: Jane est la petite dernière de la famille Chisolm. Conçue « par accident », elle naît avec une malformation dont on apprend très vite qu’elle la prive du contrôle de ses sphincters et de la possibilité d’avoir plus tard des relations sexuelles et donc, des enfants. Parce qu’en 1915, la médecine n’est pas encore suffisamment avancée pour réparer ce handicap physique. Jane et sa famille doivent donc apprendre à vivre avec ce problème et faire en sorte que, justement, il n’en soit plus un, ou le moins possible. Dans leur ferme du Deep South rural, dans le Mississippi, Jane et ses parents tentent de mener une vie normale, et la petite grandit sans trop réaliser qu’elle est différente. Elle le comprendra quand elle entrera à l’école à l’âge de six ans. Elle qui était si enthousiaste à l’idée de se faire des amis, elle déchantera vite et ne restera pas longtemps en classe, constatant avec déception qu’elle ne pourra jamais être comme les autres enfants. Les années passent, pendant lesquelles Jane travaille à la ferme avec ses parents, puis plus tard en ville, auprès de sa sœur qui tient une blanchisserie. En dehors de sa famille et du Dr Thompson, le médecin de famille qui la suit depuis sa naissance et qui restera son meilleur ami et confident, Jane fréquente peu les gens, et repousse même ceux qui tentent de l’approcher, trop consciente que personne n’est prêt à partager sa vie avec elle.
Il ne faudrait pas croire pour autant que Jane se pose en victime et s’apitoie sur son sort. Elle est forte et courageuse, déterminée à vivre intensément dans les limites de son handicap. Elle prouve qu’il est parfaitement possible pour une femme, même à cette époque, d’être indépendante et de vivre sans la protection d’un homme. N’empêche, difficile de ne pas avoir le coeur brisé à la lecture de ce roman : une vie dont on sait dès le départ qu’elle sera faite de solitude (assumée, certes, mais quand même) dans ce contexte rural, avec très peu d’espoir que la science évolue assez rapidement pour améliorer la situation de Jane. Tout cela est triste et déchirant, même si on nous présente Jane comme une petite fille joyeuse et pleine de vie, puis comme une femme tenace.
Miss Jane est un roman doux-amer, qui me laisse un sentiment mitigé. Oui, c’est touchant, on se sent impuissant, on s’interroge sur le sens de la vie dans de telles conditions. En même temps, cela manque de consistance. Le livre s’attarde longuement sur l’enfance et l’adolescence de Jane, détaillant la construction de sa psychologie et la façon dont elle fait face à son handicap, tandis que le reste de sa vie est évoquée très rapidement. Bien sûr, elle mène une existence monotone où il se passe peu de choses, mais j’ai surtout eu l’impression que l’auteur n’avait plus rien à dire, en dehors de quelques envolées lyriques qui tombent plus ou moins à plat. Il semble s’être inspiré de la vie de sa grand-tante pour écrire ce roman, mais hormis cet hommage, je n’ai pas vraiment compris où cela menait.

En partenariat avec les éditions Grasset via Netgalley.

Présentation par l’éditeur:

Jane Chisolm vient au monde en 1915, dans une petite ferme du Mississippi. Quelques instants après sa naissance, le Dr Thompson saisit un carnet et commence à prendre des notes. Jane est née avec une malformation  : un handicap qu’elle devra surmonter sa vie durant.

Les premières années à la ferme, au milieu d’une nature éblouissante, sont joyeuses et innocentes. Ce n’est qu’à l’approche de ses six ans que la petite Jane prend conscience de sa singularité. Mais sa soif d’apprendre est plus forte que les réticences de ses proches. Elle entre à l’école, se plonge dans les livres. Puis arrive l’adolescence et le Dr Thompson devient son principal confident, y compris lorsque celle-ci tombe amoureuse.

Miss Jane est un grand roman de formation et d’émancipation. Une histoire de désir, d’espoir et de courage portée par une langue sensuelle. Malgré la différence, elle franchit chaque étape de sa vie avec une force et une poésie qui lui permettent de poursuivre sa quête insatiable du bonheur, dans cette Amérique rurale que le 20ème siècle est en train de bouleverser.

Evaluation :

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2 commentaires

  1. Pas un coup de coeur mais un intérêt évident pour comment vivre au début du XXe siècle avec un handicap. Et je dois dire que même si le regard a un peu changé, il reste encore de gros efforts à faire.