Auteur: Hugo Boris
Editeur: Grasset – 17 août 2022 (198 pages)
Lu en août 2022
Mon avis: 6 juin 1944, Andrew, sergent dans l’armée américaine, débarque avec ses milliers de compagnons d’armes sur une plage de Normandie. En quelques courts chapitres, ces quelques heures, de l’attente à bord du navire au moment où les soldats évacuent les barges de transport alors qu’ils n’ont pas encore pied, sont décrites d’une façon réaliste et saisissante, qui m’a évoqué l’insoutenable scène d’ouverture du film « Il faut sauver le soldat Ryan ».
Un bond en avant dans le temps, et nous voici de nos jours, avec Magali, trentenaire mère de deux jeunes enfants et guide touristique sur les plages du débarquement. La perspective de la journée qui commence devrait la réjouir, puisqu’elle est chargée d’accueillir et de guider Andrew, vétéran du 6 juin 1944. Un privilège pour tout guide qui se respecte.
Mais Magali n’a pas vraiment la tête à son travail, elle qui se sent débarquée de sa propre vie depuis neuf mois et la disparition de son mari, évaporé sans laisser la moindre trace. Depuis lors, Magali est totalement dépassée, entre ses enfants, les tâches du quotidien, les calmants et les somnifères qui l’abrutissent. A quoi s’ajoute, précisément aujourd’hui, un rendez-vous avec la psy de l’école de son fils.
Avec un tel chaos lui tenant lieu d’état d’esprit, la rencontre entre Magali et Andrew est un peu abrupte. La jeune femme est néanmoins assez lucide pour s’étonner qu’Andrew, fragile vieillard, soit venu seul depuis le Connecticut, alors qu’en général les vétérans sont accompagnés par leurs familles et font l’objet d’un accueil en grande pompe. Rien de cela ici, Andrew est solitaire, déterminé, et un peu étrange. En quelques heures, ces deux-là vont se toucher au cœur et réaliser que leurs blessures respectives résonnent douloureusement dans celles de l’autre, comme un écho qui marquera la fin ou le début de quelque chose dans leurs vies.
« Débarquer » est donc le récit d’une rencontre entre deux âmes en désarroi, égarées l’une dans un passé non révolu, l’autre dans un présent au jour le jour et sans perspective.
Un roman à l’écriture sobre, fluide et addictive, qui suscite instantanément l’empathie à l’égard des personnages, et une histoire mélancolique, pudique, très touchante.
En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.
#Débarquer #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
Andrew, vétéran américain du 6 juin 1944, trouve la force de revenir en Normandie à la fin de ses jours pour revoir la terre qui l’a si profondément marqué. Une guide des plages du débarquement doit l’accueillir, Magali, âgée d’une trentaine d’années.
Dans sa profession, accompagner un vétéran d’Omaha Beach, c’est le Saint-Graal. Mais ce matin, lorsqu’on lui annonce l’arrivée d’Andrew, Magali se sent dépassée. Il y a neuf mois, son mari a disparu et depuis l’enquête piétine, personne ne sait s’il est mort ou vivant. Seule avec ses deux enfants, elle est morte d’inquiétude. La visite de ce vieil Américain, alors qu’elle musèle sa douleur avec des médicaments depuis des semaines, c’est trop.
Les vétérans se déplacent toujours en famille, souvent accompagnés d’une association, toujours accueillis comme des demi-dieux, presque des stars du rock. Pourtant à la gare de Bayeux, Andrew est seul. Magali n’en revient pas. Ce vieillard qui peine à marcher a fait le voyage depuis le Connecticut sans l’aide de personne. Qui est-il ? Que cache cette détermination solitaire ?
Construit comme un singulier jeu de miroir, sur une journée associant rythme implacable et temps suspendu de la vie intérieure, Débarquer est un roman de désapprentissage. Magali et Andrew ont déjà parcouru un rude chemin de vie, et les voilà confrontés à un passé qui ne passe pas. Comme les échos d’une guerre destructrice marquent à jamais les territoires et les êtres, Hugo Boris livre un roman fort et magnétique, une traversée vers l’aube qui ne se laisse pas oublier.