Auteur: David Van Reybrouck
Editeur: Actes Sud – 2008 (410 pages)/Babel – 2013 (416 pages)
Lu en décembre 2024
Mon avis: Dans le cadre d’un travail de recherche universitaire, David Van Reybrouck, archéologue et historien, tombe sur un ouvrage évoquant un plagiat qui aurait été commis en 1926 par Maurice Maeterlinck, écrivain belge et Prix Nobel de littérature en 1911. Pour son ouvrage « La vie des termites », ce dernier se serait en effet inspiré des travaux d’un certain Eugène Marais, poète, journaliste et écrivain morphinomane sud-africain, spécialiste des grands singes et … des termites, précisément.
Voilà donc David Van Reybrouck qui boucle sa valise pour l’Afrique du Sud, sur les traces d’Eugène Marais, à la recherche des preuves qui permettraient de tirer au clair cette affaire de plagiat.
Si cette enquête est le fil rouge de cet ouvrage, elle n’en est pas le seul sujet, puisque l’auteur découvre l’Afrique du Sud post-apartheid, à l’aube du 21ème siècle, à peine dix ans après la libération de Mandela. Cette immersion, de Pretoria au Cap en passant par la région reculée du Waterberg, donne lieu à de profondes réflexions sur le pays et son histoire, depuis sa colonisation par les Hollandais puis les Britanniques jusqu’aux laborieuses tentatives de réconciliation entre Blancs et Noirs. L’occasion d’aborder des thèmes tels que racisme, discrimination, pauvreté, criminalité, sida, ou encore, à l’époque de Marais, complexe de supériorité des scientifiques européens sur leurs homologues africains.
On aurait pu croire que ce récit partirait dans tous les sens, mais David Van Reybrouck s’y entend pour raconter de façon captivante une quête qui fourmille (ok, c’était facile) d’informations, d’idées, d’anecdotes. Ajoutez-y un sens assez fin de l’humour et de l’autodérision mêlé à une bonne dose d’érudition, et vous serez tout étonné.e d’avoir trouvé aussi passionnant un livre sur les termites (mais pas que).
#Lisezvouslebelge
Présentation par l’éditeur:
David Van Reybrouck découvre par hasard, dans le cadre de ses recherches universitaires, l’étonnant destin d’un écrivain sud-africain, spécialiste des grands singes et des termites : les textes de cet Eugène Marais auraient fait l’objet d’un plagiat et l’auteur de cet « emprunt littéraire » ne serait autre que le grand Maeterlinck, Prix Nobel de littérature.
Deux ans plus tard, sa thèse sur l’histoire de l’archéologie en poche, la lecture de l’œuvre intégrale de Maeterlinck achevée, le jeune Van Reybrouck, toujours très intrigué par cette histoire, se lance dans une enquête scientifique rigoureuse : il s’embarque pour un long voyage sur les traces d’Eugène Marais, cet inconnu né en 1871 tout près de Pretoria.
« Le fléau » est un livre inclassable, une non-fiction littéraire aussi érudite que divertissante, qui propose une réflexion sur l’observation des sociétés animales en même temps qu’un regard inédit et passionnant sur l’Afrique du Sud.
Une citation:
Tant que nous y sommes à bavarder entre hommes, autant aborder tous les grands thèmes. L’argent, par exemple. Il m’explique en un mot le point de vue africain sur la question: On ne se tracasse pas pour le lendemain, on vit au jour le jour. Un Blanc, quand il a de l’argent, il fait des économies pour la génération suivante. Un Noir, quand il a de l’argent, il le dépense le jour même et se sent libre à nouveau. D’où ces bringues les jours de paie. J’ai lu quelque part il y a longtemps, chez un philosophe noir, que la conception africaine traditionnelle du temps se compose d’un présent et d’un futur très proche, et que le tout est soutenu par une conscience très aigüe du passé, lequel est peuplé par les ancêtres. L’avenir lointain est une abstraction à laquelle il est impossible de faire confiance. La pensée occidentale, en revanche, attacherait beaucoup plus d’importance à la notion d’avenir, et beaucoup moins à la dimension historique. Pour les uns, l’action présente serait guidée par le passé lointain, pour les autres par l’avenir lointain. Si c’est exact, je me demande quelle est ma place en tant qu’archéologue et historien occidental.