Auteure: Laurence Nobécourt
Editeur: Grasset – 24 août 2022 (512 pages)
Lu en août 2022
Mon avis: J’aurais dû lire ce livre dans sa version papier, pour pouvoir y faire des allers-retours plus facilement qu’avec ma liseuse.
Ou alors j’aurais dû le lire avec, dès le début, un crayon et un bout de papier à portée de main, pour prendre des notes et mieux cerner les liens entre les personnages et leurs histoires.
Parce que, comme le titre le laisse penser, on pourrait qualifier ce roman de « choral », puisque de nombreuses voix s’y font entendre, mais pas au même moment, ni au même endroit. On voyage à travers plusieurs générations, et à travers le monde, de New York au Japon en passant par le Portugal, Venise, l’Afrique et l’Inde, Hanoï et Sakhalin. Tout cela, curieusement, le temps d’une révolution terrestre, d’un 21 décembre au 21 décembre suivant.
J’aurais dû prendre des notes, parce que même si les fils de certains récits sont clairement tissés entre eux, pour d’autres, les liens sont plus ténus, et je me suis perdue dans la généalogie d’ensemble. Ou alors ma concentration et ma mémoire ne sont plus aussi aiguisées. Ou alors mon intérêt s’est émoussé en même temps que je m’évertuais à comprendre où tout cela allait mener, quel était le sens, le message du livre, etc…, et que je comprenais de moins en moins. Peut-être devrais-je arrêter de réfléchir et de me poser autant de questions sur ce livre spécifique, la littérature en particulier, et même la vie en général, tant qu’à faire.
Pourtant, l’auteure, elle, y parvient. A réfléchir beaucoup, à tout le moins. A trouver les réponses aux questions susmentionnées, je ne sais pas.
Parce que, j’aurais dû l’avouer dès le début de ce billet, je n’ai pas compris grand-chose à ce roman.
J’ai compris qu’il y était question d’histoires d’amour absolu, de violences, de maladie, de peur de la mort, de désespoir, de joie, de plénitude et de réalisation de soi, de foi en Dieu, de la vie et de la mort, et de la conviction que la plupart des gens vivent et meurent en ignorant qu’ils passent à côté de leur vie (« …je suis frappé par l’absence de beauté générale. La plupart des êtres vivent en dessous du niveau de la vie. De son intensité minimale je veux dire, et il me vient parfois un sentiment d’absurdité. Parce qu’ils ne font pas sens de leur souffrance. Comme si chacun vivait pour rien »). Il y a aussi la quête de « L’opéra des oiseaux », œuvre culte de Yazuki, écrivain japonais qui constitue le fil rouge unissant plus ou moins lâchement toutes ces trames différentes.
J’aurais dû lire ce livre 4 ou 5 fois avant d’écrire ce billet, pour tenter de mieux le comprendre, mais je n’en ai pas eu la patience (500 pages à lire 4 ou 5 fois, avouez…), ou attendre les avis d’autres lecteurs. Parce que j’ai la sensation d’être passée à côté d’un roman riche et profond, parcouru de fulgurances poétiques (« un cataplasme de tendresse qui vient soigner des décennies de solitude ») et philosophiques, et surtout, une sorte de roman-monde dans lequel son auteure semble avoir mis énormément de travail, de ferveur et d’ambition.
Ca me désole, parce que j’avais sincèrement envie de l’aimer, mais je n’ai pas trouvé les clés de ce texte très (trop?) exigeant, au style très (trop?) soutenu. Je vous laisse avec sa dernière phrase: « Et vois-tu, elles arrivent, issues des alvéoles de tous les siècles et de tous les temps, toutes ces voix dont nous avons rêvé, que nous sommes, toutes ces phrases qui nous conduisent par la langue au plus sublime de nous-mêmes, car ce qui nous emmène au plus profond ce sont les mots qui brillent dans notre corps si vivant, et ainsi nous avançons dans le livre du monde, chapitre après chapitre, de vie en vie, impatients de percer le mystère, tâchant d’en débusquer ici ou là quelque sens inconnu, puis nous mourons encore une fois, ignorants et assoiffés, sans avoir découvert la clé de l’énigme ». Pareil pour moi.
En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.
#Opéradesoiseaux #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
À New York, Laïal tente de se détacher des siens. Au Portugal, Perla apprend à mourir, et sa fille Wanda à devenir mère. À Venise, le Cardinal Luigi de Condotti parle aux abeilles. Le jeune Kola, en Afrique, découvre ce qu’il en est de l’amour qui unit Mado, sa mère, à Youli. Dans l’hôpital de Sakhalin en Russie où un Indien se prend pour le patron de la CIA, Jozef ne fera peut-être jamais le deuil de sa femme… Voici quelques-unes des voix qui peuplent ce roman hors du commun : elles communiquent furtivement par élans charnels, émotionnels ou spirituels. Est-ce par hasard que toutes partagent la lecture des livres de Yazuki, cet écrivain japonais qui cherche son point final et dont tout le monde quête l’opus mythique, Opéra des oiseaux ?
Ainsi se déploie le grand roman de Laurence Nobécourt, tel une partition, de pays en cultures différentes, de langages en paysages inattendus, parfois ressemblants. Les destins s’entrelacent, à l’insu souvent des protagonistes : chacun poursuivant l’équilibre de sa vie, et déséquilibrant peut-être celle d’une autre. Chaque personnage est comme un passage vers un monde, une famille, une psyché ou un trouble. Parfois c’est un enfant, parfois une femme très âgée, parfois un homme dont la voix semble changer, traverser le temps et l’amour.
Entrer dans ce livre magnifique, en 365 jours vastes comme le monde et le temps, c’est accepter de ne plus maîtriser tout à fait le cours des choses, et de s’abandonner à l’énergie déconcertante de la littérature.
Quelques citations:
– Je pensais sincèrement, enfant, que les adultes ne grandissaient pas seulement en taille mais aussi en esprit, qu’ils savaient tout ce que j’ignorais. Quelle étrange découverte de comprendre petit à petit qu’ils n’avaient grandi qu’en taille. Cela m’a longtemps désespérée.
– Vous savez, cette mélancolie de fin août début septembre, cette charnière qui annonce la fin de l’été, le retour des enfants à l’école, l’automne à venir avec ses ors dorés, et l’humidité des feuilles dans les bois. L’automne en Europe… Quel charme précieux. Il me semble toujours, à cette époque de l’année, que quelque chose est irrémédiablement perdu et pour toujours, parce qu’encore une fois, nos bras pendant l’été se sont refermés sur le vide, tandis que l’on rêve à cette fête en soi que l’on pourra peut-être attraper l’an prochain quand l’été s’avancera dans les couleurs et les parfums de juin.