Auteur: Marco Malvaldi
Editeur: 10/18 – 2013 (208 pages)
Lu en 2013
Mon avis: Toscane, 1895. Les occupants du château de Roccapendente attendent l’arrivée d’un certain Pellegrino Artusi, invité par le maître des lieux pour une partie de chasse. La famille du baron se perd en conjectures sur ce mystérieux personnage, dont on sait seulement qu’il est l’auteur d’un livre de recettes « La science en cuisine et l’art de bien manger », et que, suprême horreur, il n’est qu’un vulgaire marchand roturier. Mais quelle pourrait donc bien être la vraie raison de sa présence au domaine ? A peine le temps de s’appesantir sur cette question qu’un autre événement bien plus dramatique met le château et ses occupants sens dessus dessous : on retrouve au petit matin le corps sans vie du majordome, dans la cave verrouillée de l’intérieur. Voilà de quoi pimenter quelque peu la routine du délégué Artistico, en charge du maintien de l’ordre dans la bourgade.
Nous voilà embarqués dans un Agatha Christie à l’italienne, avec un Pellegrino Artusi dont les moustaches seraient dignes de celles d’Hercule Poirot, et dont la sagacité aurait peu à envier à Sherlock Holmes.
Soyons honnêtes, ceci n’est pas le polar du siècle, mais ce petit roman n’en est pas moins réjouissant. Parce qu’en plus de l’enquête proprement dite, on aborde aussi les débuts de l’unification italienne, la condition peu enviable des femmes au 19ème siècle, la situation pathétique d’une noblesse oisive qui s’accroche à ses derniers privilèges de classe, le tout agrémenté de recettes de cuisine du terroir. Cela m’a évoqué le Guépard, pour la fin d’une époque, et les enquêtes de Montalbano ou de Pepe Carvalho pour le concept « polar culinaire ». Et, chose plutôt rare, un humour subtil et léger est présent à toutes les pages. Certains personnages sont un peu caricaturaux, surtout les fils du baron et les vieilles cousines, mais qu’est-ce que c’est drôle ! Tout ce petit monde qui s’envoie des piques acerbes, la lucidité de la grand-mère Speranza et de Cecilia la rebelle, c’est d’un jubilatoire ! Et, cerise sur la crostata, l’auteur lui-même ne se prive pas d’intervenir dans le jeu pour railler avec cynisme certaines ressemblances avec l’Italie berlusconienne.
Bref, une vraie bonne surprise que ce petit roman.
Présentation par l’éditeur:
Dans un château toscan, un vendredi du mois de juin 1895, arrive le lourd et moustachu Pellegrino Artusi. Il est précédé par la réputation de son fameux ouvrage, La Science en cuisine et l’art de bien manger, un livre de cuisine vivant et cultivé (le premier du genre) qui a véritablement donné naissance à la tradition culinaire italienne. Le baron Romualdo Bonaiuti l’a cordialement invité à venir passer quelques jours au sein de sa maisonnée. Et quelle maisonnée ! Le fils aîné est un poète amateur rongé par l’ambition ; le fils cadet est un coureur de jupons alcoolique et sans gêne ; la fille, seul membre talentueuse de la famille, est étouffée par sa condition féminine ; une acariâtre grand-mère veille sur tous le monde depuis son fauteuil à roulette ; la demoiselle d’honneur voudrait juste rester invisible ; et deux cousines qui ont passé l’âge de se marier servent de tapisserie. Sans compter les nombreux serviteurs : un cuisinier génial, un mystérieux majordome et une femme de chambre hautaine et plantureuse. Mais Pellegrino Artusi n’est pas le seul invité : un photographe a également été convié sans qu’on sache trop pourquoi. Tous les éléments du crime en chambre close sont désormais réunis, la partie peut commencer.
Quelques citations:
– « C’est que, cher délégué, je ne sais rien foutre. Pardonnez-moi la vulgarité, mais je suis sur le point de devenir plébéien et il convient que je m’adapte. Je n’ai jamais travaillé un seul jour de ma vie, et même si je voulais j’ignore comment on fait. Hier j’étais poète et futur baron, me voici aujourd’hui un crétin bon à rien et sans le sou ».
– « Le code du savoir-vivre du noble bien éduqué, par exemple, n’expliquait pas du tout de quelle manière se comporter quand on tire sur un de vos parents par traîtrise à travers une haie. Il est pourtant vrai que ce code examinait de très nombreuses situations dans lesquelles quelqu’un pouvait avoir le droit de tirer sur quelqu’un d’autre, comme par exemple lors d’un duel au pistolet. (…) Par contre, se mettre à fusiller quelqu’un en se dissimulant derrière une haie, c’est digne d’un bouseux. Pour tout dire, ça ne se fait pas. C’est grossier. Par conséquent le code du savoir-vivre du noble ne daigne pas contempler cette possibilité ».
– « (…) la conception que Lapo avait de la façon dont il faut se comporter avec les autres êtres humains était simple et sans détours. Si c’était une femme: belle, on la baisait; laide, on en baisait une autre. Si c’était un homme, on allait au bordel avec lui ».