Auteur: Christian Guay-Poliquin
Editeur: J’ai Lu – 2019 (288 pages)
Prix France-Québec
Lu en février 2019
Mon avis: ♫ Tombe la neige, tu n’partiras pas ce soir...♫
Ni ce soir, ni demain, ni la semaine prochaine, ni dans un mois… Parce que l’hiver vient à peine de s’installer, et qu’il ne lâchera pas prise avant le printemps, et qu’il fera tomber tellement de neige que ce village, perdu dans la montagne et les grands espaces, va s’en trouver paralysé jusqu’au redoux, et ses habitants, coincés itou. Et dire que tu aurais pu partir à temps, mais qu’on t’a imposé, sans te demander ton avis, ce jeune accidenté de la route, gravement blessé aux jambes et que personne d’autre ne peut/veut accueillir. Malgré l’urgence que tu ressens à retourner dans ta ville, toi qui t’es égaré dans ces contrées isolées, tu n’as d’autre choix que d’accepter, même si c’est de mauvais gré. Aah, Matthias, vieil homme grincheux, tu ne sais pas encore à quel point le temps va te sembler long, dans ce palais des courants d’air sans électricité, à jouer les gardes-malades autour du poêle à bois pour ce jeune homme peu bavard (et pourtant narrateur de votre histoire). Un temps sans fin à peine égayé par les rares visites des bonnes âmes venues vous ravitailler en vivres, bois de chauffage et nouvelles du village. Un temps long qui vous oppresse comme cette neige qui pèse de plus en plus lourd sur le toit de votre véranda et sur tes espoirs de quitter ce bled au plus vite. Et quand on sait que « c’est quand rien ne se passe que tout peut arriver », on attend que quelque chose advienne, pour le meilleur ou pour le pire.
Sans vague de chaleur ni humaine ni météorologique, ce huis clos est pareil à la neige, blanc et froid, mais loin d’être toujours lumineux. On sait peu de choses des personnages, on prend leurs vies en cours de route, le reste est nimbé d’un vague mystère, d’une menace sourde, d’un environnement post-apocalyptique. Dans de telles conditions où on lutte contre les blessures du jeune, l’impatience du vieux, la faim et le froid, la tension monte, forcément, les frustrations se révèlent, les vérités s’assènent, le conflit se noue et éclate. Puis le calme après la tempête, mais que va-t-il en ressortir ? Une rédemption ? Je me suis demandé si ce livre avait un sens religieux caché, tant j’ai été frappée par les prénoms des personnages. On ne connaît pas celui du narrateur, mais pratiquement tous les autres sont des prénoms bibliques, et une écrasante majorité d’entre eux commence par la lettre « J » : José, Joseph, Jonas, Jean, Jude,…, sans parler du triangle Maria-José-Joseph. C’est d’autant plus curieux que l’histoire se déroule sous les auspices du mythe de Dédale et Icare.
Enfin, quoi qu’il en soit, ce roman au style âpre et implacable est tendu d’ennui et surtout d’attente de ce qui va se passer alors qu’il ne s’y passe que peu de choses. Un paradoxe, un fameux risque pris par l’auteur, et en ce qui me concerne, une réussite.
En partenariat avec les Editions J’ai Lu via une opération Masse Critique de Babelio.
Présentation par l’éditeur:
Dans une région lointaine qu’on imagine être celle des grands espaces, un village est cerné par la neige, privé d’électricité et de contact avec le reste du monde. Nous y trouvons deux hommes, à deux âges de la vie, contraints par le hasard ou le destin d’affronter ensemble le froid, la faim et l’ennui.
A leur suite, le lecteur est emporté dans ce huis clos tout de blanc vêtu, dans cette lutte pour la survie, dans cette lente traversée de l’hiver, qui est avant tout une histoire de rémission.
Car c’est quand rien ne se passe que tout peut arriver.