Auteur: Gouzel Iakhina
Editeur: Noir sur Blanc – 19 août 2021 (512 pages)
Lu en octobre 2021
Mon avis: Il était une fois, vers 1920, un instituteur qui s’escrimait, en vain, à initier ses petits élèves à la poésie allemande, dans le petit village de Gnadenthal, sur les bords de la Volga.
A cette époque, Gnadenthal et ses alentours sont peuplés par une communauté d’Allemands, qui se perpétue sur les rives du fleuve depuis environ 1750, lorsque la tsarine Catherine II de Russie les a invités à s’y installer pour en cultiver la terre. La communauté, repliée sur elle-même, a conservé au fil des siècles sa langue, sa religion, ses coutumes. Et comme la plupart des minorités, elle finira par être persécutée, en l’occurrence par le pouvoir bolchevique et en particulier par Staline au début de la Seconde Guerre Mondiale, qui craignait que les Allemands de la Volga ne s’érigent en un ennemi intérieur, alliés de l’Allemagne nazie qui venait d’envahir l’URSS. Mais nous n’en sommes pas là, reprenons depuis le début.
Vers 1920, donc, la vie tranquille de Jakob Bach, le jeune instituteur un peu étrange de Gnadenthal, va être bousculée de fond en comble. Un beau jour, il reçoit une mystérieuse offre d’emploi d’un certain Udo Grimm, riche fermier vivant sur l’autre rive de la Volga. Celui-ci invite Bach à donner des cours à sa fille Klara… derrière un paravent, sans jamais se voir. Evidemment cela n’empêche pas les deux jeunes gens de tomber amoureux, mais le reste de l’histoire est loin de n’être qu’un conte de fées. D’abord séparés par le père de Klara, ils se retrouvent après quelques péripéties et s’installent tous deux dans la ferme isolée, en se gardant de tout contact avec « le vaste monde ». Qui se rappelle bientôt à eux sous la forme de trois intrus malintentionnés, qui violent Klara. Celle-ci meurt neuf mois plus tard en donnant naissance à une petite fille, Anntche. Bach, déjà traumatisé par le viol de sa bien-aimée, se replie encore plus sur lui-même, jusqu’à en perdre l’usage de la parole. Malgré son abattement, il veut préserver par-dessus tout Anntche, son innocence, sa pureté, et la garder près de lui comme un trésor, quitte à en faire une sauvageonne, pour empêcher la cruauté du monde de l’atteindre. Bien entendu, le « vaste monde » ne l’entend pas ainsi et rattrape tous ceux qui s’opposent ou essaient d’échapper à sa marche infernale et impitoyable.
Curieux mélange de genres que ces « Enfants de la Volga ». Il y a principalement un conte, avec des personnages qui vivent dans une sorte de monde enchanté édénique, avec quelques incursions dans la réalité étriquée de la communauté de Gnadenthal, elle-même assez peu informée et concernée par l’Histoire en marche. Et puis, imbriqués dans cette linéarité, il y a les épisodes historiques qui secouent la Russie à la même époque, autant de jalons concrets (quoique souvent imprégnés d’onirisme) pour nous faire revenir à la « vraie vie ». On comprend alors qu’au fur et à mesure de la pression, de l’oppression subies par les Allemands de la Volga de la part du pouvoir bolchevique, c’est le petit monde merveilleux de Bach qui se délite.
« Les enfants de la Volga » montrent la pureté et l’innocence fracassées par la barbarie de la guerre, l’impossibilité de vivre à la marge d’une société totalitaire qui vous uniformise ou vous tue, la dévoration d’une communauté paisible et minoritaire par l’Ogre du stalinisme.
Violente critique du communisme, ce roman entre deux rives brouillées, celles du conte et de la réalité, me laisse perplexe : des personnages complexes au point que je ne suis pas arrivée à m’y attacher, ni à leurs histoires ; un style qui ne m’a pas convaincue non plus, poétique certes, mais qui m’a semblé indigeste à force de longueurs et d’énumérations sans fin. Reste le contexte historico-politique, qui m’a fait découvrir l’histoire (dont j’ignorais tout) de ces Allemands de la Volga.
En partenariat avec les Editions Noir sur Blanc.
#LesenfantsdelaVolga #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
Nous sommes dans la région de la Volga, dans les premières années de l’URSS, en 1920-1930. Jakob Bach est un Allemand de la Volga : il fait partie des descendants des Allemands venus s’installer en Russie au XVIIIe siècle.
Bach est maître d’école dans le village de Gnadenthal, une colonie située sur les rives du fleuve. Un mystérieux message l’invite à donner des cours à Klara, une jeune fille vivant seule avec son père sur l’autre rive de la Volga. Bach et Klara tombent amoureux, et après le départ du père, ils s’installent ensemble dans la ferme isolée, vivant au rythme de la nature. Un jour, des intrus s’introduisent dans la ferme et violent Klara. Celle-ci mourra en couches neuf mois plus tard, laissant Bach seul avec la petite fille, Anntche.
Après la mort de Klara, Bach s’éloigne du monde et perd l’usage de la parole. Tout en élevant l’enfant, il écrit des contes, qui de manière étrange et parfois tragique s’incarnent dans la réalité à Gnadenthal. Un autre enfant fait alors son apparition à la ferme : Vasska, un orphelin vagabond qui bouleversera la vie d’Anntche et Bach…
J’ai lu beaucoup d’avis complètement positifs sur ce livre, mais c’est rafraichissant d’en lire un qui soit un peu moins convaincu. Merci! Je lirai Les Enfants de la Volga avec d’autant plus de curiosité pour me faire mon propre avis.
Oui, je suis un peu à contre-courant 😉 Mais sur Babelio il y a également quelques autres critiques plus mitigées.
Bonne future lecture!