Auteur: Alain Berenboom
Editeur: Genèse Edition – 2013 (236 pages)
Prix Rossel 2013
Lu en décembre 2022
Mon avis: Dix ans après la mort de sa mère, l’auteur/narrateur se décide enfin à mettre de l’ordre dans les archives familiales, qui prennent la poussière dans une armoire depuis trop longtemps.
Du passé et de l’histoire de ses parents, Alain Berenboom ne sait presque rien, tant ceux-ci se sont acharnés à ne rien lui raconter, à le couper de ses racines familiales, et à faire de lui un bon petit Belge pure souche. Sans doute pour éviter de faire peser sur ses épaules le poids de la tragédie juive. Car ses parents sont juifs, lui de la région de Varsovie, elle de Vilnius. Arrivé en Belgique au début des années 30, Chaïm Berenbaum a fait des études de pharmacie à Liège, avant d’ouvrir son officine à Bruxelles. C’est entre les sirops et les onguents qu’il est tombé amoureux de Rebecca, une cliente venue chercher les médicaments de son oncle.
Au fil des photos, lettres et documents, l’auteur retrace le portrait de sa famille, de son père surtout. Il découvre ainsi que celui-ci s’est lié d’amitié avec un homme qui était en réalité un espion nazi, que ses parents sont partis en voyage de noces à vélo vers Boulogne-sur-Mer sous les bombardements, que son père a transporté clandestinement de faux papiers à travers Bruxelles. Il découvre un indécrottable optimiste, bouffeur de rabbins et de curés mais lecteur assidu de la Torah, inventeur de remèdes miracles, nostalgique de la Pologne et attiré par le nouvel Etat juif, mais aussi modèle de volonté d’intégration dans son pays d’accueil auquel il voue, pour cette raison, une reconnaissance sans bornes. Un homme respectable, aventurier, naïf, entêté, amoureux, qui est parvenu à éviter les embûches de l’Occupation et la déportation, et qui a fini par devenir belge sous le patronyme de Berenboom.
L’auteure reconstitue également par bribes l’histoire du reste de la famille, disparue pour la plupart dans le ghetto de Varsovie ou dans les camps de concentration. A la lecture des lettres de ses tantes et de sa grand-mère polonaises, il s’étonne qu’elles continuent à parler chiffons, mariages et projets d’avenir, alors que le bruit des bottes est de plus en plus assourdissant et que la Solution Finale est en route. Déni, ou volonté d’épargner ceux qui sont un peu mieux lotis qu’elles ?
A travers ce portrait, à jamais incomplet, de son père, Alain Berenboom se pose la question de sa propre identité : qui est-on vraiment quand on ignore ce qu’ont été ses parents ? Aurait-il été quelqu’un d’autre s’il avait su ? Questions sans réponse, probablement. Mais cela n’enlève rien au charme de ce récit touchant et picaresque tout en tendresse et auto-dérision où, au milieu de tous les non-dits, une évidence s’impose : l’auteur utilise à la perfection l’arme de l’humour pour atténuer les horreurs du nazisme et la poigne de l’émotion.
#LisezVousLeBelge
Présentation par l’éditeur:
À la mort de ses parents, le narrateur décide de ranger, non sans réticence, les archives familiales empilées depuis des lustres dans une armoire. Il redoute ce travail fastidieux, tant il est persuadé que son père, un petit pharmacien de quartier, a eu une vie « sans histoires ». Et pourtant… Au fil des découvertes, se dessine le portrait d’un Don Quichotte original et aventureux.
Sous couvert de divers patronymes, Chaïm/Henri/Hubert, surnommé Monsieur Optimiste, va surmonter bien des épreuves, de son de noces sous les bombardements à Boulogne-sur-Mer, à une amitié imprudente avec un Allemand qui se révèle espion du IIIe Reich, de la perte de sa sœur cadette à la clandestinité. Il lui faudra aussi déployer beaucoup d’imagination pour échapper aux nazis ou, ensuite, à la Sûreté de l’État, à l’affût de ses amitiés communistes.
Mauvais juif mais lecteur assidu de la Bible, nostalgique d’une Pologne idéalisée, attiré par le rêve de la Terre promise, mais fervent défenseur de son pays d’accueil, concocteur de remèdes magiques pour hommes, femmes et pigeons, voilà quelques-unes des facettes contradictoires de cet indéfectible optimiste.
À travers ce récit, tantôt burlesque, tantôt poignant, inspiré de la vie du père de l’auteur, c’est bien sûr l’histoire du XXe siècle qui se dessine en filigranes, mais c’est surtout pour l’auteur une façon de tendre la main à ses origines et de cerner sa propre identité.