Auteur: Fernanda Melchor
Editeur: Grasset – 9 mars 2022 (220 pages)
Lu en mars 2022
Mon avis: A Paradise (prononcez à l’américaine), lotissement résidentiel mexicain chic et cher, deux adolescents se rencontrent. Polo, 16 ou 17 ans, vient d’un milieu pauvre et travaille à la résidence comme jardinier et homme à tout faire. Ce boulot est une pénitence, non seulement parce que son employeur l’exploite jusqu’à l’os, mais aussi parce qu’il doit intégralement reverser son salaire à sa mère, qui l’a forcé à postuler pour ce travail puisque « de toute façon il n’était bon à rien à l’école, autant qu’il se rende utile et me rapporte quelque chose ». Polo subvient ainsi aux besoins de sa mère endettée et de sa cousine, feignasse et perverse de compétition, qui vit avec eux. Les besoins de Polo (fric, liberté), tout le monde s’en fout.
Polo croise donc Franco, 15 ou 16 ans, gosse de riches vivant avec ses grands-parents, glandeur, obèse, répugnant, crétin, accro aux films pornos et obsédé par Marián, la nouvelle voisine, respectable épouse et mère de famille quarantenaire.
Au fil des soirs d’ennui et de frustration, les deux gamins font connaissance et partagent alcool et cigarettes. Franco fait part à Polo de ses plans délirants pour conquérir le cœur et surtout le corps (pour rester poli) de sa séduisante voisine. Polo écoute, se tait, méprise intérieurement Franco pour sa débilité et sa lâcheté supposée, mais n’en pense pas moins que la maison de Marián doit regorger d’un tas de trucs qui pourraient lui rapporter pas mal de fric. L’engrenage de la violence et de la perdition (dès le début on comprend que ça va mal finir) est lancé.
Raconté à la troisième personne du singulier mais du point de vue de Polo, le roman nous fait part de ses pensées et de son ressenti, en particulier sa colère contre l’injustice de son propre sort, sa haine de sa mère et sa cousine, sa frustration de se sentir coincé dans une vie misérable, au point d’être prêt à s’embrigader dans les cartels. L’auteure nous embarque dans de longues phrases sinueuses, oppressantes, dans un style très (mais vraiment très) cru et brutal. Avec le machisme et le fossé entre classes sociales comme toiles de fond, « Paradaïze » est une histoire de descente aux enfers et un roman violent, tragique et saisissant.
En partenariat avec Grasset via Netgalley.
#Paradaïze #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
Dans un complexe résidentiel pour ultra-riches, deux adolescents passent leurs soirées à boire et à fumer. Polo travaille comme jardinier pour les co-propriétaires de « Paradaïze » alors que Franco vit ici, avec ses grands-parents. En surpoids, grand consommateur de films pornos, ce dernier n’a qu’une obsession depuis l’arrivée d’une nouvelle famille dans le quartier : coucher avec madame Marián. Pour Franco, cette mère de famille est un objet de désirs, souvent violents, largement nourris par les vidéos que le jeune homme regarde à longueur de journée.
Polo écoute son compagnon avec mépris lorsque ce dernier lui dévoile ses plans pour conquérir le cœur et le corps de madame Marián, d’autant que lui-même a des ambitions bien plus sérieuses. Quitter son travail tout d’abord, et partir loin du logement miteux où il vit avec sa mère et son affreuse cousine. Peu importe s’il doit vendre son âme aux cartels, il est prêt à tout pour fuir son quotidien. De son côté, Franco commence à se rapprocher des enfants de madame Marián, puis à s’infiltrer dans la maison pour renifler les sous-vêtements de leur mère. Et lorsqu’il est suffisamment familier des lieux, il décide de passer à l’action, en pleine nuit, avec le soutien du jeune jardinier. Le plan est mis à exécution, mais il va se révéler bien plus macabre que prévu…
Ce nouveau roman de Fernanda Melchor est une plongée dans l’extrême violence de notre société. Tensions sociales, consumérisme, hypersexualisation des adolescents, glorification de la virilité et banalité du viol, un cocktail absolument tragique. A l’instar de Parasite de Bong Joon-ho, Paradaïze nous conduit inexorablement vers un final explosif, que l’on redoute depuis les premières lignes, et qui nous coupe le souffle jusqu’à la dernière.