Auteur: Yann Moix
Editeur: Grasset – 2 janvier 2019 (128 pages)
Lu en décembre 2018
Mon avis: Jusqu’ici, je ne connaissais rien de l’œuvre et de la vie de Yann Moix, en dehors du film « Podium » et de quelques polémiques qui atteignent de temps à autre mon oreille distraite de Belgo-bruxelloise. Voici qu’avec « Rompre », je découvre sa vie amoureuse compliquée, une vie qu’il rend lui-même, consciemment mais involontairement (si cela a du sens), compliquée, répétant à l’envi le même schéma destructeur. A chaque nouvelle relation qui débute, il sait qu’elle prendra fin, par sa propre faute. Parce que « lorsque [il] rencontre une femme, ce n’est pas elle [qu’il] rencontre, mais une autre : celle [qu’il a] non seulement envie, mais besoin d’inventer« . Et bien sûr, un telle relation, construite avec une femme idéalisée, fondée sur un « immense malentendu« , finit par s’écrouler, la plupart du temps sabordée par Yann Moix lui-même, qui ne résiste pas à tendre le fouet pour se faire battre. Si le premier sentiment qu’il éprouve est un soulagement paradoxal (enfin libre!), il ne tarde pas à souffrir énormément de ces ruptures, de l’absence, de la solitude. Parfois il tente de reconquérir certaines de ces femmes, mais, terriblement lucide, il comprend que c’est l’amour qui lui fait peur, une peur ancrée, notamment, dans une enfance maltraitée et humiliée, et qui l’empêche de s’aimer lui-même.
Ecrit sous la forme d’un dialogue fictif avec un ami qui tente de le consoler de sa dernière rupture, ce texte est une réflexion quasiment philosophique d’un homme torturé par l’amour, la séparation, la jalousie et leurs souffrances. L’écriture est belle, fine et subtile ; l’auteur a un sens certain de la formule. Une mise à nu clairvoyante et désenchantée, qui en touchera certains et en laissera d’autres de marbre. J’avoue qu’entre les deux, mon cœur balance: le sort particulier du personnage ne m’a pas particulièrement émue, mais son analyse de ces sentiments universels sonne juste et entre en résonance avec nos petites et grandes douleurs personnelles, enfouies plus ou moins profondément dans nos souvenirs…
En partenariat avec les éditions Grasset via Netgalley.
Présentation par l’éditeur:
Avec ce roman, Yann Moix revient à son thème de prédilection : l’amour (et ses dépendances : la jalousie, la haine, la rivalité, la séduction, l’addiction, etc…)
Et son livre prend la forme d’un dialogue imaginaire (à la manière du Neveu de Rameau de Diderot, ou de L’idée fixe de Paul Valéry) où Yann Moix bavarde, à la terrasse d’un café, avec un ami qui tente de le consoler à la suite de sa dernière déconvenue amoureuse…
Dans un roman précédent, l’auteur avait choisi, comme incipit : « Ce que les femmes préfèrent, chez moi, c’est me quitter »…
L’inverse eut été plus exact car, dans ce livre – précisément intitulé « Rompre » -, le narrateur confesse qu’il ne peut s’empêcher de mettre un terme très prématuré à chacune de ses aventures, de les « rompre » tant il craint d’aimer et d’être aimé…
Evidemment, cette disposition mentale vient de loin : de l’enfance, de douleurs enfouies, d’humiliations passées…
Mais tout, ici, prend un aspect drolatique et fort peu psychanalytique.
Dans ce dialogue, la « rupture » sert ainsi de prétexte à une variation sur la solitude, sur la jalousie, sur l’enfer narcissique, sur la violence amoureuse.
Formules et aphorismes fusent sous la plume moixienne.
L’écrivain se reproche, au fond, de ne pas savoir aimer – les femmes, bien sûr, mais aussi, et surtout, lui-même.
Et c’est sur cette note tenue qu’il compose ce « journal d’un séducteur-destructeur ».
Quelques citations:
– « Le couple m’asphyxiait. Je ne parviens pas à saisir ce qui nous y attèle. La vie humaine est si exubérante, ses aventures si diversifiables, que l’arraisonnement de nos libertés, de nos folies, de nos possibles, à une seule et unique structure fait à mes yeux figure de tombeau.[…] Au sein du couple, celui que je suis étouffe tous ceux que j’aurais pu être. […] Rien ne justifie le couple, hors la peur de rester seul avec soi ».
– « Le bonheur habite dans le passé et quand il était du présent je ne me doutais pas qu’il était du bonheur: il était une promesse de souffrance pour plus tard ».