jeudi , 21 novembre 2024

Au revoir là-haut

Auteur: Pierre Lemaître

Editeur: Albin Michel – 2013 (576 pages)

Prix Goncourt 2013 – Prix du roman France Télévision 2013

Lu en octobre 2017

Mon avis: Oui bon, bah je sais, j’arrive après la bataille (jeu de mots foireux, j’admets), hein, le Goncourt 2013, 728 critiques sur Babelio, quitte à être en retard pour donner mon avis, j’aurais pu attendre 2018 et les commémorations de la Grande Guerre. Ah oui, qu’est-ce qu’elle a été Grande, cette boucherie ! Elle a surtout été longue et sacrificielle, et en cet an de grâce 1918, à quelques jours d’un Armistice qui ne fait plus aucun doute et alors que les poilus ne rêvent que de la quille, voilà que Pradelle, infâme officier arriviste, insatisfait de son petit grade de lieutenant, n’a pas de meilleure idée, pour gagner du galon avant le retour à la vie civile, que de lancer ses troupes à l’assaut de la cote 113. Il finira par la gagner, sa p… de cote 113, et la gloire qui va avec. Quant aux morts et aux gueules cassées qui vont aussi avec, bah… après tout, qu’importe cette vulgaire chair à canon. Et puis, tout bien réfléchi, les cadavres pourront même rapporter gros après la guerre. Bref, la victoire de Pradelle à la cote 113 et ses barrettes de capitaine héroïquement obtenues, c’est l’arnaque de l’année (ceux qui ont lu comprendront), mais, et c’est le vrai sujet de l’histoire, c’est surtout le début d’une amitié improbable et indéfectible entre Edouard, jeune bourgeois de bonne famille, qui s’est mangé un éclat d’obus, et Albert, modeste comptable timoré qui serait mort enterré vivant si Edouard ne l’avait pas sauvé de justesse. Défiguré et ayant perdu ses cordes vocales, Edouard, après des mois de convalescence (lors desquels il a refusé toute chirurgie reconstructrice), de dégoût et de déprime, revient à la vie en mettant au point une énorme escroquerie, le scandale du siècle. Albert, qui le soigne comme une mère-poule, se voit entraîner malgré lui dans l’aventure.

Chronique d’une fracassante revanche sur le sort, cette histoire est cruelle, tragique, amorale, sinistre, révoltante, cynique. Alors que les autorités françaises prétendent honorer la mémoire de leurs Héros morts pour la Patrie, elles laissent les poilus survivants crever dans la misère et l’oubli. Commerce de la mort, absurdités militaires et administratives, cet après-guerre 14-18 n’est pas glorieux, et est même franchement puant. Mais que cette lecture est jubilatoire ! Si on s’attache au duo Edouard-Albert malgré ses frasques, il est carrément jouissif de suivre les magouilles de Pradelle, archétype du salopard arrogant, et les enquêtes de l’extraordinaire Joseph Merlin, obscur et imperturbable petit fonctionnaire envoyé pour contrôler les chantiers des nouveaux cimetières militaires. J’ai adoré le style d’écriture de Pierre Lemaître, son humour caustique, son talent de conteur. Ca tient en un mot : magistral.

Présentation par l’éditeur:

« Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d’avantages, même après. »

Sur les ruines du plus grand carnage du XX° siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts…
Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, « Au revoir là-haut » est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’État qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.
Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaître compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un talent et une maîtrise impressionnants.

Evaluation :

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5 commentaires

  1. J’ai honte de dire que je ne l’ai toujours pas lu !

  2. J’ai adoré ! Et ce dès les premieres pages, on tombe dedans !