Auteur: Sjón
Editeur: Métailié – 21 janvier 2022 (128 pages)
Lu en janvier 2022
Mon avis: « Blond comme les blés », ou vie et mort d’un jeune néo-nazillon (1938-1962).
Gunnar Kempen est né à Reykjavík, dans une famille de la classe moyenne, sans histoires. Il est retrouvé mort, 24 ans plus tard, dans un train quelque part en Angleterre. Voilà pour la scène d’ouverture du roman, qui pourrait laisser penser qu’on embarque dans un thriller d’espionnage. Mais pas du tout. A partir de là, on remonte le temps pour dérouler la vie du jeune Gunnar depuis son enfance en pleine deuxième guerre mondiale au sein d’une famille islandaise opposée au nazisme. Et pourtant, dès son adolescence, Gunnar est attiré par cette idéologie fasciste, au point de fonder quelques années plus tard un parti nationaliste antisémite, opposé au communisme et au capitalisme, à l’OTAN et à l’URSS. Comment s’est développée sa conscience politique et pourquoi s’est-il engagé dans la voie nauséabonde du néonazisme, cela ne ressort pas clairement du roman, qui n’analyse pas la psychologie du personnage, mais tient plus du document biographique : la première et la troisième parties évoquent son enfance et ses courtes années de vie adulte, tandis que la deuxième rassemble des lettres qu’il a écrites à différentes personnes au long de sa vie (famille, amis, camarades de parti ou de partis frères d’autres pays). L’ensemble est très factuel, très « journal de bord », présente les choses de façon banale. On comprend vite ce que pense Gunnar Kempen, mais on ne comprend pas vraiment pourquoi il le pense. On ne ressent aucune empathie pour lui, on observe ce gamin s’agiter, tout enthousiaste à l’idée de fonder son parti, de l’inscrire dans la mouvance néonazie internationale et de « révolutionner le monde ». Et plutôt que de ressentir du dégoût ou de l’effroi, on serait plutôt tenté de le voir comme un guignol pathétique et peu crédible.
Je n’ai sans doute pas compris grand-chose à ce bouquin froid, elliptique et qui laisse trop de questions sans réponse, sauf peut-être qu’il nous dit (nous prévient?) que ce genre d’individus et d’idéologie puants sévissent encore et toujours parmi nous dans une relative indifférence, et qu’il y a un peu moins d’un siècle, ils ont jeté le monde dans l’horreur.
En partenariat avec les Editions Métailié.
Présentation par l’éditeur:
Reykjavik, après la Seconde Guerre mondiale.
Gunnar Kampen est un « un jeune homme travailleur et attentif qui se passionne pour l’histoire de l’humanité et de sa nation ». Il a une mère et deux sœurs qui l’aiment depuis l’enfance et lui-même est un frère et un fils attentionné.
Au printemps 1958, il fondera le parti politique antisémite des nationalistes et se dévouera pour contribuer à l’organisation internationale du mouvement néonazi, en pleine croissance.
Dans un texte qui oscille entre une mosaïque d’images d’enfance poétiques, un recueil épistolaire qui suit l’évolution d’un engagement politique et la création d’un parti d’extrême droite, Sjón examine le parcours d’une vie, d’une époque et d’une radicalisation rythmée par la simplicité absolue de son quotidien.
Faux thriller où le protagoniste est retrouvé mort dès le premier paragraphe, Blond comme les blés est une œuvre limpide, un écho de la banalité du mal d’Hannah Arendt sous les apparences d’un roman nordique. Un livre troublant et terriblement actuel par l’un des plus importants auteurs islandais contemporains.