Auteure: Kapka Kassabova
Editeur: Marchialy – 2023 (475 pages)
Lu en janvier 2024
Mon avis: Kapka Kassabova, installée en Ecosse depuis 2005, revient sur ses terres natales bulgares, plus précisément dans la vallée de la Mesta, une région montagneuse des Balkans où la nature est encore relativement préservée. Dans ce sanctuaire où poussent, libres et folles, une multitude d’herbes et plantes médicinales (742, paraît-il), l’auteure part à la rencontre de ceux et celles (et ils sont peu nombreux, et âgés) qui connaissent encore les plantes. Une connaissance transmise depuis des générations, un savoir et un savoir-faire qui se sont perpétués malgré les tourbillons de l’Histoire, guerres, déplacements de populations et communisme en tête.
Bien plus qu’un guide de botanique ou d’herboristerie, ce livre aborde une foule d’autres sujets : l’histoire de la région et du peuple Pomak, les relations entre chrétiens, musulmans et Roms, la mythologie locale, l’alchimie, le mysticisme, la sorcellerie, l’anthropologie, les liens entre corps et esprit, l’opposition entre médecines classique et alternative. C’est aussi une ode à la Nature et un plaidoyer pour que l’Humain (et la médecine occidentale) s’y reconnecte de toute urgence, dans son propre intérêt vital, pour qu’il en protège la biodiversité et qu’il comprenne enfin qu’il n’en est qu’un élément parmi d’autres.
Tous ces thèmes s’entremêlent dans ce livre plein de charme mais un peu fouillis, qui ne suit pas de fil conducteur très clair. Cela a rendu ma lecture un peu laborieuse (et lire ce livre sur liseuse n’a pas aidé). Mais il faut reconnaître à l’auteure un vrai talent lorsqu’elle raconte ses rencontres avec les gens. Elle restitue ces moments de façon sincère, attachante, émouvante. On ressent son enthousiasme, son exaltation même, sa curiosité inépuisable, son émerveillement, son profond sentiment de joie et de bien-être à se trouver là. Elle donne envie d’aller découvrir cette région riche de nature et de culture. Et elle m’a convaincue d’essayer le thé grec des montagnes.
En partenariat avec les Editions Marchialy via Netgalley.
#Élixir #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
742. C’est le nombre de plantes médicinales qui poussent dans la vallée de cette montagne bulgare à l’écosystème préservé. Des plantes de toutes tailles, formes et couleurs que nous retrouvons ensuite vendues dans l’Europe entière. Encore faut-il qu’il reste des hommes et des femmes capables de les trouver, les reconnaître, les cueillir.
Kapka Kassabova part à la rencontre des dernières personnes qui détiennent ce savoir oral ancestral et entretiennent une relation intime avec la montagne. Ils lui servent de guides dans sa quête de l’élixir au cours de laquelle elle croisera la route de voyants, poètes et guérisseurs. Elle rassemble leurs connaissances – recette de remèdes, mythologie des plantes et de la montagne, rituels magiques – dans une ode lumineuse à la nature qui est aussi une injonction à repenser notre rapport à la terre.
Quelques citations:
– Nous avons perdu deux choses essentielles à notre bien-être : le silence et l’obscurité. Nos systèmes nerveux sont pollués par le bruit et les lumières électriques. Les mieux lotis pratiquent la « thérapie en chambre noire » et les retraites silencieuses. Il faut désormais acheter le silence et l’obscurité, car le monde civilisé ne les procure pas gratuitement. Il nous apprend à avoir peur du noir et du silence. Et pour compenser notre peur, il nous divertit à coups de bruit et de lumière. Le bruit et la lumière viennent combler le vide laissé par le sens et la puissance perdus. Ce sont les idoles factices qui remplacent le sacré. Nous sommes prisonniers de notre civilisation, torturés par les stimuli, incapables de nous reposer.
– L’historien Noel Malcolm désigne la nature protéiforme des peuples des Balkans par le terme d' »amphibianisme religieux ». Telle une créature sylvestre trop merveilleuse pour être contemplée par un regard profane, cette qualité fut muselée par ceux dont la mission consistait à imposer le pouvoir centralisé. Produit dérivé et principale conséquence de la tyrannie: l’homogénéisation des humains, des plantes et de tout mode de vie. La mouvance des formes représente une menace pour la tyrannie.
– Chaque famille possédait des terres, mais les jeunes n’avaient aucune envie de finir propriétaires terriens. La chaîne de transmission ne tenait plus qu’à un fil. […] Quand un village perd ses spécialistes de la terre, il devient un Village vide. Le lien entre nature et culture se défait. Il se mue en station touristique, en banlieue satellite, ou redevient sauvage; un endroit ni cultivé, ni totalement en friche, jalonné de maisons en ruine, de vieillards au cœur brisé et de jeunes illettrés venus des hameaux voisins en quête de quelque chose à vendre, recycler ou voler.