Auteur: Antonio Ungar
Editeur: Noir sur Blanc – 18 janvier 2024 (304 pages)
Lu en janvier 2024
Mon avis: Le roman s’ouvre sur une scène dans laquelle une jeune femme, Eva, se vide de son sang au fond d’une barque qui dérive sur l’Orénoque, dans la jungle colombienne.
Eva est infirmière, originaire de Bogotá et fille de bonne famille. Quelques mois plus tôt, elle a brutalement décidé de mettre fin à sa vie de débauche faite d’alcool, de fêtes, de sexe et de drogues, et de quitter la capitale avec sa petite fille. En quête d’une sorte de rédemption, elle pense pouvoir se rendre utile dans le dispensaire d’une petite ville de la jungle. Le roman retrace ce changement de vie, l’adaptation progressive d’Eva à cette vie si différente de tout ce qu’elle connaît, les relations qu’elle noue avec son nouvel entourage.
Peu à peu, Eva découvre une réalité bien moins paisible que ce qu’elle imaginait. Elle apprendra à ses dépens que la jungle, où elle pensait trouver un sens à sa vie en soignant les indigènes, n’est pas le refuge dont elle avait rêvé. La région (comme tout le pays d’ailleurs) et ses ressources font l’objet d’une guerre de territoire permanente entre FARC, groupes paramilitaires et narcotrafiquants, tous armés jusqu’aux dents. Au milieu des attaques, des enlèvements et des exécutions, la population vit dans la terreur et les pénuries. Et quand la rumeur de la découverte d’un important filon d’or quelque part en amont du fleuve se répand le long de l’Orénoque, ces bêtes sauvages que sont les hommes avides d’argent et de pouvoir vont se déchaîner, en éliminant le moindre obstacle qui les empêcheraient de remporter le combat.
A travers ce roman, c’est le drame de l’histoire colombienne récente (1964-2016) qui est évoqué : dictature, terrorisme, guérilla, paramilitaires, corruption à tous les étages du pouvoir, trafic d’armes, de coca, d’or ou d’émeraudes, fossé entre riches et pauvres, entre Blancs et indigènes. Un pays où il ne fait bon vivre nulle part, où la violence et la drogue sont omniprésentes, des fêtes dans les quartiers aisés de la capitale au moindre village du fin fond de la jungle.
Antonio Ungar crée des personnages complexes, écorchés par la vie et qui tentent de panser leurs blessures avec ces baumes, précieux mais dérisoires dans une situation aussi terrible, que sont l’amitié, la sororité, l’amour. Un roman intéressant par son contexte, touchant par ses personnages attachants et leurs histoires, et par la poésie qui s’échappe furtivement au détour d’un méandre de l’Orénoque, lorsque soudain le regard se perd dans la contemplation de sa nature sauvage et luxuriante.
En partenariat avec les Editions Noir sur Blanc via Netgalley.
#Evaetlesbêtessauvages #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
Parmi les bêtes sauvages, Eva choisit pourtant de risquer sa vie pour sauver les autres.
Chaque soir, les hommes s’accroupissaient autour du feu et restaient un long moment silencieux, écoutant le crépitement du bois enflammé jusqu’à ce que quelqu’un raconte une anecdote qui lui était arrivée et que les autres racontent aussi les leurs. Et c’était tout. Les femmes faisaient la même chose dans les lieux de transformation du manioc et de la viande. Elles mentionnaient les petites différences entre un jour et l’autre. Et rien de plus.
Si cette existence était telle qu’elle semblait être (facile, agréable et heureuse), ça n’avait pas de sens de faire les efforts nécessaires pour inventer l’écriture, la science, la technologie, l’art, la guerre. C’est pourquoi les peuples de la jungle considéraient les Blancs avec un mélange de peur, de compassion et de dérision. Tous. Y compris les infirmières. La maladie faisait partie de la réalité et entre être de ce côté-ci de la matière ou de l’autre côté, celui du mystère, cela ne faisait pas une grande différence. La réalité des morts était toujours aussi présente que celle des vivants. Il en avait toujours été ainsi, avant que les guérisseurs indigènes n’existent et avant que les médecins blancs n’arrivent avec leurs petites fioles, et il en serait toujours ainsi, jusqu’à ce que la jungle disparaisse et avec elle ses habitants.
Merci pour ton avis. Je t’avoue ne pas connaître grand-chose à l’histoire colombienne récente alors je note ce titre mais peut-être pour un peu plus tard, ayant besoin en ce moment de lectures moins sombres.
Merci pour ton commentaire.
En effet, celui-ci n’est pas idéal pour une lecture plus « légère » 😉