Auteur: Juan Gabriel Vásquez
Editeur: Points – 2013 (280 pages)
Lu en juin 2015
Mon avis: Autour de 1990, quelques années avant, et quelques-unes après, quand j’avais une douzaine d’années (un peu moins, ou un peu plus), on parlait régulièrement de la lointaine Colombie aux infos, et toujours pour l’associer aux mêmes mots : trafic de drogue, meurtres, attentats, cartel de Medellin et de Cali, Pablo Escobar.
Antonio Yammara, le narrateur, est né en 1970 à Bogotá, et a grandi au milieu de ces mêmes mots, qui, pour lui et ses compatriotes, étaient chargés d’une signification autrement concrète et dramatique que pour une enfant née au beau milieu de la Forteresse (à l’époque) Europe.
En cette fin d’année 1995, Antonio a 25 ans, un doctorat en droit et un tout nouveau poste de professeur à l’université. Il est amoureux et sera bientôt père d’une petite fille. Une vie tranquille, ordinaire, dans une ville qui « avait commencé à laisser derrière elle les années les plus violentes de son histoire récente, (…) une violence dont les acteurs sont collectifs et portent des noms avec des majuscules : l’Etat, le Cartel, l’Armée, le Front [càd les FARC]. Nous autres, à Bogotá, nous nous y étions habitués ». Peut-être. Mais on ne grandit pas impunément pendant la « décennie difficile » qu’a connue la Colombie, sans en sortir profondément marqué, sans que cette période trouble de l’histoire du pays n’interfère à un moment ou un autre dans votre propre vie. Antonio l’apprendra à ses dépens.
En cette fin de décembre 1995, Antonio fait la connaissance de Ricardo Laverde, ancien pilote, qui vient de passer vingt ans en prison, et qui attend sa femme, citoyenne américaine, qui doit le rejoindre pour Noël. C’est à peu près tout ce qu’Antonio apprend du passé de Laverde, mais malgré cela les deux hommes se lient d’amitié. Rencontre-charnière, de celles qui changent radicalement une vie, qui lui font prendre une direction qu’on n’imaginait pas, qu’on ne voulait pas : quelques semaines plus tard, Laverde est tué en pleine rue, sous les yeux d’Antonio qui, victime collatérale, sera grièvement blessé.
Passent les semaines et les mois, la souffrance physique d’Antonio disparaît, mais la blessure psychique ne guérit pas. Antonio veut savoir, comprendre. Pourquoi Laverde a-t-il été assassiné ? Obsédé par cette question, Antonio laisse partir sa vie « ordinaire » à vau-l’eau, négligeant femme, enfant, travail. Jusqu’à cet appel, tombé du ciel en même temps que du téléphone, de Maya, la fille de Laverde, qui elle aussi cherche à comprendre. Ensemble ils se plongent dans le passé de Ricardo, et dans celui de la Colombie, s’apercevant que les deux sont indissociables dans leur tragédie.
Loin d’être un cours d’histoire ou un essai sur l’économie du commerce de la drogue, cette enquête sur l’assassinat d’un homme qui voulait avant tout gagner sa vie pour mettre les siens à l’abri du besoin, se double d’une introspection sur le sens de la vie. Celle du narrateur (de l’auteur ?), celle de Maya, celle d’une génération née avec le narcotrafic, traumatisée par des années de violence et un climat constant de terreur, au coeur d’un pays déserté par ses dirigeants corrompus ou impuissants.
Le bruit des choses qui tombent est un beau roman, même s’il ne raconte pas une « belle » histoire. L’auteur raconte celle des victimes, plus ou moins directes, des cartels, et se demande ce qu’une génération peut transmettre à la suivante dans un tel contexte. L’écriture est belle, élégante, en profondeur, le ton est à la fois lucide et désenchanté, mais paradoxalement il s’en dégage une impression de sérénité, de réconfort. Comme un infime murmure après le vacarme de ces années noires.
Présentation par l’éditeur:
Antonio veut comprendre. Blessé lors de l’assassinat de son ami Laverde, le jeune homme est traumatisé. Malgré le soutien des siens, son rapport au monde se détériore. Avec l’aide de Maya, la fille de Laverde, Antonio retrace l’histoire du défunt : qui était-il vraiment ? Encore marquée par les violences du passé proche, la ville de Bogotá devient le théâtre d’une quête sur le sens de la vie.
Une citation:
– « Il n’y a pas de manie plus funeste ni de caprice plus dangereux que de spéculer sur les chemins qu’on n’a pas empruntés« .
Et encore une belle critique !
…et re-re-merci 😉
Je le note quand même… ça m’intéresse ! 😉
J’aime le tire de ce livre et rien que pour ça je le note.
Oui, le titre m’a attirée aussi, ainsi que la couverture de l’édition de poche. Et heureusement, le contenu vaut le détour aussi 😉