Auteur: Elena Ferrante
Editeur: Folio – 2016 (448 pages)
Lu en novembre 2018
Mon avis: En général je ne suis pas très copine avec les best-sellers, mais cette fois je dois avouer que je suis tombée sous le charme de cette « amie prodigieuse ». Cela commence par un jeu d’influences dans lequel des poupées de chiffon sont jetées dans une cave qui pourrait bien abriter un monstre, et cela se termine par l’apparition, au plus mauvais moment, d’une paire de chaussures artisanales. Entre les deux, il se passe dix ans de la vie d’Elena et Lila, deux gamines de 5-6 ans, et de leur quartier, pauvre, dans le Naples des années 50. Elena, la narratrice, raconte son amitié avec Lila, une relation faite d’attirance, de jalousies et de rivalités, une amitié parfois bancale et inégalitaire mais cependant fusionnelle et irrésistible malgré les souffrances et les détachements. Leurs tempéraments s’opposent et se complètent, Elena la réfléchie, disciplinée, malléable, Lila l’impulsive, l’ardente, indomptable et parfois féroce. Elles ont un point commun, leur intelligence : brillante chez Lila, qui n’ira pourtant pas au-delà de l’école primaire et ira travailler dans la cordonnerie de son père, plus scolaire chez Elena, qui doit bûcher sans arrêt pour être la meilleure. Mais sur ce plan c’est Lila qui l’emporte : dotée d’une intelligence aiguë et supérieure, elle s’instruit en autodidacte et devance Elena, jusqu’au jour où elle se lasse de cette compétition. Puis ce sont les premiers émois amoureux et les transformations physiques qui les désunissent. Elena, plus précoce, a une longueur d’avance sur Lila, qui semble indifférente à ces bouleversements. Pourtant là aussi, elle dominera, lorsqu’elle se transformera en beauté solaire et inaccessible. Les destins de Lila et Elena semblent diverger mais leur amitié tient bon, au milieu du tumulte de leur quartier et du contexte socio-politique. Violences verbales, physiques, machisme rugueux, pauvreté (la « plèbe ») puis essor économique, Camorra, communisme, la vie à Naples est rude et bouillonnante, et le monde évolue autour d’elles, bien qu’elles n’en rendent compte que confusément.
Dans ce roman réaliste, il est question de misère, d’apprentissage, d’émancipation, d’ascenseur social et de rêves à poursuivre. A ce stade de ma lecture, je me demande si et comment Lila et Elena atteindront les leurs, l’une semblant se contenter (se fourvoyer?) dans le conformisme malgré toute sa fougue, et l’autre cherchant à sortir de sa condition mais mal à l’aise et solitaire à cause de sa réussite scolaire : « Ce fut pendant ce trajet vers la Via Orazio que je commençai à me sentir clairement une étrangère, rendue malheureuse par le fait même d’être une étrangère. J’avais grandi avec ces jeunes, je considérais leurs comportements comme normaux et leur langue violente était la mienne. Mais je suivais aussi tous les jours, depuis six ans maintenant, un parcours dont ils ignoraient tout et auquel je faisais face de manière tellement brillante que j’avais fini par être la meilleure. Avec eux je ne pouvais rien utiliser de ce que j’apprenais au quotidien, je devais me retenir et d’une certaine manière me dégrader moi-même. Ce que j’étais en classe, ici j’étais obligée de le mettre entre parenthèses ou de ne l’utiliser que par traîtrise, pour les intimider« .
Avec ce premier tome, Elena Ferrante m’a totalement captivée, embarquée dans cette histoire dense et marquante, avec son écriture riche et minutieuse, des descriptions psychologiques saisissantes de justesse, et bien sûr ses deux héroïnes mémorables. Il y aurait encore tant à en dire, mais pour résumer, voilà un roman (allez , j’ose:) … prodigieux.
Présentation par l’éditeur:
« Je ne suis pas nostalgique de notre enfance: elle était pleine de violence. C’était la vie, un point c’est tout: et nous grandissions avec l’obligation de la rendre difficile aux autres avant que les autres ne nous la rendent difficile.»
Elena et Lila vivent dans un quartier pauvre de Naples à la fin des années cinquante. Bien qu’elles soient douées pour les études, ce n’est pas la voie qui leur est promise. Lila abandonne l’école pour travailler dans l’échoppe de cordonnier de son père. Elena, soutenue par son institutrice, ira au collège puis au lycée. Les chemins des deux amies se croisent et s’éloignent, avec pour toile de fond une Naples sombre, en ébullition.
Formidable voyage dans l’Italie du boom économique, L’amie prodigieuse est le portrait de deux héroïnes inoubliables qu’Elena Ferrante traque avec passion et tendresse.
J’avais adoré ce tome 1, et beaucoup moins le 2. Du coup, je n’ai jamais terminé cette saga.
Ah mince… j’espère que je ne serai pas déçue en lisant le tome 2!