mardi , 19 mars 2024

Seconde peau

Auteur: Uzma Aslam Khan

Editeur: Galaade – 2015 (400 pages)

Lu en novembre 2018

Mon avis: A San Francisco, un jeune couple prépare son voyage au Pakistan. Lui, Nadir, a quitté son pays d’origine pour tenter de se lancer dans une carrière de photographe aux Etats-Unis. Elle, Farhana, glaciologue, mi-pakistanaise mi-allemande, n’a jamais mis les pieds au Pakistan mais rêve cependant d’y « retourner ». Ils seront accompagnés dans leur périple par Wes, collègue de Farhana, et retrouveront sur place Irfan, ami d’enfance de Nadir. Leur voyage les conduit dans le nord du pays, sur les contreforts de l’Himalaya, aux confins de la Chine et de l’Asie centrale. Ce sont dans ces mêmes hautes vallées isolées que se rendent chaque été les nomades Goujjar, conduisant leurs maigres troupeaux pour la transhumance depuis la plaine. Les quatre voyageurs rencontrent ainsi Maryam et sa famille, une rencontre qui vire au drame et bouleverse leurs destinées à jamais. Plus ou moins hantés par la culpabilité, les jeunes gens poursuivent néanmoins leur voyage, mais les relations entre eux, déjà laborieuses (sans qu’on sache bien pourquoi), dérivent et s’entrechoquent comme des plaques tectoniques avant de se réajuster tant bien que mal. Mais le nouvel équilibre est fragile et le contexte ne favorise pas la solidarité : dans cette zone hautement sensible de la planète, les autorités ont lancé une chasse à l’homme contre un terroriste. Autant les Américains sont intouchables, autant tous les autres jeunes hommes de la région, y compris Nadir et Irfan, ont potentiellement la tête de poseurs de bombes.

Je sors de ce roman avec une impression de chaos et de confusion. Si la trame de base semble assez claire, elle est embrouillée par l’histoire d’amour « je t’aime moi non plus » entre Nadir et Farhana, les états d’âme des uns et des autres, leurs comportements parfois inexplicables et en tout cas inexpliqués, les flash-back, la relation trouble entre Maryam et Ghafoor, lui-même personnage mystérieux, trafiquant ou voyageur de commerce au long cours dont les déplacements ressemblent à autant de fuites devant un passé menaçant. Les personnages « américains » ne sont pas attachants, Farhana en particulier m’a paru détestable, elle qui veut connaître ses racines se comporte en vulgaire touriste, avec tout ce que ce terme représente de péjoratif. J’ai été bien plus touchée par le personnage de Maryam, et par le sort de sa tribu nomade, qui essaie de perpétuer des traditions séculaires, et dont les croyances païennes doivent s’effacer devant un islam sans cesse plus rigoriste. Des nomades qui sont de plus en plus brimés dans leur liberté de mouvement par un gouvernement qui se méfie d’eux et les accable sous les taxes et les tracasseries administratives. On sent l’attachement de l’auteure à cette liberté et à la nature sauvage et sublime dans laquelle celle-ci arrive de moins en moins à se déployer, les descriptions sont poétiques et font la part belle aux légendes locales. Elle aborde également pêle-mêle les tensions au Cachemire, avec l’Afghanistan, les Etats-Unis, le rouleau compresseur de la Chine pour (sur-)exploiter la Route de la Soie en écrasant au passage la minorité ouïghour au Xinjiang. Intéressant et frustrant à la fois, parce qu’on ne comprend pas tous les tenants et aboutissants de l’intrigue ni du contexte socio-politique. L’auteure en dit trop ou pas assez, mais donne néanmoins envie d’en apprendre plus sur cette région du monde.

Présentation par l’éditeur (Galaade):

« Ici, dans les plaines, elle avait besoin de force. Elle avait besoin d’une armure pour se défendre des gens sédentaires de cette vallée. Si seulement ils étaient encore en transhumance, dans les terres hautes. »

Nadir, un jeune Pakistanais, tente de devenir photographe aux États-Unis. Il tombe amoureux de Farhana, élevée en Amérique et qui rêve de découvrir le pays de son père, ce Pakistan qu’elle n’a jamais connu.
Leur périple débute à Karachi et les conduit vers le nord sur la route de la soie, tout près de l’Inde, du Cachemire, là où la Chine n’est pas très loin.
Suite à une récente attaque à la bombe, la région est quadrillée par l’armée : la chasse à l’homme lancée par les autorités jette un voile menaçant sur leur itinéraire. Arrivés au pied des montagnes, dans ce paysage d’une extraordinaire beauté, ils rencontrent une jeune nomade, Kiran, fille de Maryam. C’est là que leur destin bascule…

Véritable hymne à la nature sauvage des vallées du nord du Pakistan, aux confins de la route de la soie, Uzma Aslam Khan nous offre avec Seconde Peau un très grand roman, à la fois une belle histoire d’amour et une immense quête de liberté, sur des terres où les us et coutumes ainsi que les croyances ancestrales des peuples sont bousculés par de nouvelles forces.

Une citation:

– Et on sait qu’on [les nomades ] a besoin de trois choses pour être libres. De montagnes, pour la sécurité et les glaciers; de rivières, pour la boisson et l’irrigation; de terres, pour la nourriture et l’argent. Ici [une vallée isolée dans l’Himalaya pakistanais], on trouve les trois. C’est pour ça que le gouvernement ne nous laisse pas en paix.

Evaluation :

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