Auteur: Jorge Franco
Éditeur: Métailié – 16 janvier 2020 (352 pages)
Lu en janvier 2020
Mon avis: Medellín, 2 décembre 1997. Pablo Escobar est abattu par la police. La mort de l’un des plus célèbres narco-trafiquants de la planète sonne le début de la fin du cartel et de son règne sans partage sur la société colombienne. L’appareil judiciaire, les victimes du baron de la drogue et les cartels concurrents sont aux trousses des lieutenants d’Escobar. Parmi eux, Libardo est de plus en plus nerveux. Il craint pour son argent, sa liberté, sa vie. Marié à Fernanda, une ex-miss Medellín, et père de deux adolescents, Larry et Julio, il gamberge : continuer comme avant, faire profil bas, se cacher, s’exiler, se battre pour garder le pouvoir… La question tourne court lorsqu’il est porté disparu.
Medellín, 30 novembre 2005. Larry, le fils de Libardo, rentre en Colombie. Il vit à Londres depuis des années, mais revient au bercail pour enterrer les restes de son père qui viennent d’être découverts. Après un vol éreintant, il veut seulement revoir sa mère et dormir. Mais c’est son ami Pedro qui l’attend à l’aéroport, et qui le traîne à travers la ville et la nuit pour célébrer l’Alborada, une fête populaire avec musique à fond, alcool, drogues et pétards jusqu’à l’aube.
A ces deux fils narratifs qui s’entrecroisent, l’auteur en ajoute un troisième, aussi ténu et fragile que l’espoir et l’optimisme qui subsistent chez Larry lorsqu’il réalise que son pays est encore terriblement marqué par l’époque noire des cartels. Un troisième fil, donc, celui du vol Londres-Bogotá, dans lequel Larry a rencontré Charlie, une jeune Colombienne dévastée par le décès de son propre père.
Comment vit-on quand on est le fils d’un haut sbire du Roi de la cocaïne ? La génération des enfants du narco-trafic n’avait rien demandé, la voilà qui se coltine le poids du passé et l’ombre de pères criminels. Jusqu’à la mort d’Escobar, Larry et son frère savaient sans savoir, profitant d’une luxueuse maison bardée de gardes du corps et de la fortune de leur père. Les rumeurs d’explosions, d’enlèvements, de tueries, de règlements de compte, de corruption, parvenaient jusqu’à eux, atténuées par la toute-puissance du cartel. A compter de la disparition de son père, Larry a voulu fuir son enfance et son monde en perdition. De retour après douze ans, il découvre une ville, qui n’était que drogue, violence et mort, désormais plongée dans la folie d’une fête effrénée et décadente.
J’ai beaucoup aimé ce roman. On y sent l’odeur de la poudre, la peur et la nostalgie d’une époque qu’on ne voudrait pourtant pas revivre, et la crainte d’un futur sans repères. Avec ses personnages complexes, dont certains très attachants, son réalisme désespérant, quelques scènes émouvantes et sa construction parfaitement maîtrisée, « Le ciel à bout portant » est captivant comme un feu d’artifice.
En partenariat avec les Editions Métailié.
#rentreelitteraire
Présentation par l’éditeur:
Si une des grandes questions de la littérature est comment “tuer” le père, que faire quand son propre père a été le bras droit de l’un des plus grands assassins du pays ?
Larry arrive à Medellín douze ans après la disparition de son père, un mafieux proche de Pablo Escobar. À son arrivée, ce n’est pas sa mère, l’ex-Miss Medellín, qui l’attend, mais Pedro, son ami d’enfance, qui vient le chercher pour le plonger dans l’Alborada, une fête populaire de pétards, de feux d’artifice et d’alcool où tous perdent la tête. Larry retrouve son passé familial et une ville encore marquée par l’époque la plus sombre de l’histoire du pays. Il ne pense qu’à fuir son enfance étrange liée au monde de la drogue. Mais il cherche aussi une jeune fille en pleurs rencontrée dans l’avion et dont il est tombé amoureux.
Entrecroisant des plans différents, Jorge Franco, étonnant de maîtrise narrative, fait le portrait de la génération des enfants du narcotrafic, qui sont de fait les victimes de leurs pères, et nous interroge sur l’importance de la mémoire pour que l’histoire ne se répète pas.
Une construction impeccable et des personnages ambigus et captivants : un roman qui ne vous laisse aucune trêve et qu’on dévore, fasciné.