mardi , 10 décembre 2024

L’homme qui pleure de rire

Auteur: Frédéric Beigbeder

Editeur: Grasset – 2 janvier 2020 (320 pages)

Lu en janvier 2020

Mon avis: La couverture se résume à un smiley, une émoticône qui penche la tête en riant aux larmes. Puisqu’il faut bien un titre en toutes lettres, ne serait-ce que pour référencer le livre, le petit bonhomme qui rit en pleurant a été traduit par « l’homme qui pleure de rire« . Je ne suis pas familière de l’œuvre de Frédéric Beigbeder, ni du personnage people et médiatique, ni de l’homme (quand les deux ne se confondent pas), mais j’ai cru comprendre que cet opus mettant en scène Octave Parango, son double littéraire, venait clore une trilogie, après « 99 francs » et « Au secours pardon« . Après la pub dans les années 90 et la mode dans les années 2000, voici qu’Octave Beigbeder s’attaque à l’humour des années 2010 et à sa tyrannie : « l’humour est une dictature parce qu’il n’autorise jamais de droit de réponse« , et en particulier à l’humour des chroniqueurs radiophoniques du service public : « L’humour des insolents chroniqueurs de France Publique consiste à saper les fondements de la démocratie en se faisant passer pour son dernier rempart« . C’est là qu’il faut indiquer (personnellement, ça m’avait totalement échappé à l’époque) que Frédéric Parango a sabordé en beauté sa carrière de chroniqueur humoriste de la matinale de France Inter/Publique, un beau matin de novembre 2018. Arrivé en studio après une nuit blanche de débauche, sans avoir rien préparé, il avait tenté de meubler ses trois minutes et quelque d’antenne avec beaucoup de vent et de vide, sous le regard consterné et crispé des autres animateurs (j’ai regardé le podcast de cette séquence, et le mépris agressif de ceux-ci m’a interloquée. J’ai essayé de transposer la scène sur La Première – RTBF, mais je ne suis pas arrivée à imaginer la même pression féroce. Trouvez-moi naïve si vous voulez).
Aussitôt éjecté de la chaîne, Octave/Frédéric décide d’en tirer un livre, dans lequel il raconte la fameuse scène et les heures qui l’ont précédée, ceci devant peut-être expliquer cela, mais de toute façon argument irrecevable pour la matinale « la plus écoutée de France ». Et nous accompagnons donc Octave au fil de la nuit, au terme d’une journée qui a vu des « gilets fluo » enflammer les Champs-Elysées. De bars en boîtes de nuit, il erre entre alcools, drogues et tentatives de séduction, et son esprit vagabonde de réflexions sur les gilets jaunes, sur l’humour obligatoire et dévastateur, sur les médias et les réseaux sociaux, en digressions nostalgiques sur son passé orgiaque aux antipodes de sa vie actuelle de papa-gâteau convaincu. Avec virulence, Octave Parango règle ses comptes avec son ex-employeur et ses ex-confrères spécialistes ès dérision. « L’homme qui pleure de rire » est en réalité un homme qui pleure d’être obligé de rire, et le smiley de la couverture a un côté effrayant.
Difficile pour moi de faire la part des choses entre le vrai, l’exagéré et l’inventé, mais ce Frédéric/Octave m’a paru sincère (trouvez-moi dupe si vous voulez), bien qu’assez barbant avec toutes ces références à un certain milieu parisiano-culturo-médiatique qui ne me parle pas. Le bougre est parvenu à me toucher, avec son humour désespéré, son inadaptation à l’air du temps, son côté ado-qui-ne-veut-pas-grandir, ses difficultés existentielles à concilier sa sempiternelle image de dandy parisien et sa vie rangée de père de famille dans le sud-ouest.
Octave/Frédéric écrit/parle avec lucidité, poésie parfois, et un sens aigu de la formule. Pas exactement optimiste sur le monde comme il va, « l’homme qui pleure de rire« , derrière son masque de clown, voudrait simplement pouvoir pleurer de joie.

En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.
#Lhommequipleurederire #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

Octave Parango a été concepteur-rédacteur dans les années 1990, model scout dans les années 2.000. Le voici qui découvre dans les années 2010 un nouveau métier…
Après 99 Francs sur la tyrannie de la publicité et Au secours pardon sur la marchandisation de la beauté féminine, ce nouveau roman satirique, hilarant et désespéré clôt la trilogie d’Octave Parango sur les aliénations contemporaines.
Tout est malheureusement vrai (et vécu) dans cette satire, hilarante et désespérée, des dérives de notre société de divertissement.

Evaluation :

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