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Au rythme de notre colère

Auteur: Guy Gunaratne

Editeur: Grasset – 8 janvier 2020 (368 pages)

Lu en janvier 2020

Mon avis: Au pied des quatre tours résidentielles d’une cité du nord de Londres, trois ados se retrouvent pour jouer au foot. Il y a Selvon, d’origine antillaise, qui croit que le sport est la seule voie pour s’extraire de ce quartier défavorisé et multi-ethnique. Il y a Yusuf, d’origine pakistanaise, fils de l’ancien imam de la mosquée de la cité, et Ardan, d’origine irlandaise, graine de rappeur qui ose à peine s’exprimer.
Au lendemain de l’assassinat à Londres d’un jeune soldat britannique par un jeune Noir islamiste, le quartier, où la violence est pourtant banalisée, est sous tension. Des manifestations se préparent, d’un côté des skinheads racistes, de l’autre des jeunes musulmans harangués par un imam radical. Dans cette ambiance de fureur encore contenue, la mère d’Ardan et le père de Selvon se remémorent leurs passés respectifs. Caroline se souvient de sa jeunesse à Belfast dans une famille membre de l’IRA et des affrontements quotidiens et violents avec les loyalistes. Nelson, lui, se rappelle de son arrivée en Angleterre, en provenance des Antilles, et de la montée progressive du racisme à la fin des années 50.
Dans ce roman choral à cinq voix, l’Histoire repasse les plats et c’est toujours le même refrain : l’intolérance dégénère en colère et en fureur ; quand on n’a pas la bonne couleur ou la bonne croyance il faut littéralement se battre pour survivre, parfois malgré soi.
Il faut s’habituer au style d’écriture, très oral et argotique, et passer outre la syntaxe volontairement massacrée, qui illustre bien la façon de parler de certains personnages, immigrés de première génération maîtrisant mal la langue du pays d’ « accueil ». Parce que pour le reste, « Au rythme de notre colère » est un roman intense et puissant, difficile à lâcher. Dans ces 48 heures de la vie d’une cité qui s’embrase, la pression monte progressivement, et on observe avec inquiétude ces cinq personnages terriblement attachants, coincés dans une ville laide et malade, s’en aller vers un destin ou une désillusion. « Toujours j’ai refusé la ville elle s’empare de mon esprit comme elle a fait avec les autres. Et maintenant je sais. Je sais la nuit de la révolte, quand c’est la fureur elle rendait aveugle à la route, je m’ai enfui pas par lâcheté mais par amour. Et faire quoi que ce soit par amour dans une ville qu’elle le nie, c’est une rébellion« .

En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.
#Aurythmedenotrecolère #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

Dans une cité du nord de Londres, trois amis s’apprêtent à se retrouver pour disputer un match de foot au pied des quatre tours où ils ont grandi : Yusuf le fils de l’ancien imam de la mosquée aujourd’hui décédé, Selvon pour qui le sport est l’unique chemin vers la liberté, et Ardan dont les talents de rappeur sont encore étouffés par sa timidité. Le premier est d’origine pakistanaise, le deuxième antillaise, le dernier irlandaise. Des racines différentes et pourtant un même destin qui se profile dans ces rues qui suintent la violence, et que nous arpentons avec eux pendant les 48 heures suivant la diffusion d’une vidéo qui enflamme la cité. Sur les écrans on peut voir le meurtrier d’un soldat britannique, qui avait achevé le militaire avec un couteau de boucher, appeler au Jihad dans les rues de Londres. L’assassin est un jeune noir islamiste qui portait les mêmes baskets que Yusuf, Selvon et Ardan, avec « son visage, comme un miroir, qui réfléchissait la peur et la confusion de [leur] cœur. »
La cité est désormais prise en étau entre les manifestations de skinheads venus en découdre et de jeunes musulmans animés par la haine de l’Occident, endoctrinés par le nouvel imam de la mosquée. La rage gronde et envahit la cité, replongeant la mère d’Ardan dans son passé lorsque sa famille, membre de l’IRA, baignait dans une insoutenable violence quotidienne ; ramenant également le père de Selvon à l’époque de son arrivée en Angleterre depuis les Antilles, et au racisme électrique qui l’avait alors accueilli. Pour les trois amis et leur famille, ces deux journées vont être douloureuses et cruciales, car dans ces rues de Londres, la colère est indispensable à la survie.
Récompensé par de nombreux prix littéraires pour ce premier roman, Guy Gunaratne revisite le roman choral pour nous offrir un livre d’une puissance inouïe. Il nous fait écouter ces cinq voix qui martèlent la terrible banalité de vies usées par la violence et dont on découvre, page après page, les blessures profondes et les combats quotidiens. Au rythme de notre colère est un livre réaliste, brut, sur la fureur de nos rues.

Evaluation :

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