dimanche , 12 mai 2024

La double vie de Jesús

Auteur: Enrique Serna

Editeur: Métailié – Rentrée littéraire 2016 (317 pages)

Lu en juillet 2016

la double vie de jesusMon avis: Côté face, on pourrait croire que Jésus Pastrana est un grand naïf. Commissaire aux comptes à la mairie de Cuernavaca, Mexique, il est pressenti pour être désigné par son parti comme candidat à la mairie lors des prochaines municipales. Ce petit fonctionnaire vertueux a la Justice pour idéal, et son dieu se nomme Légalité. Mais à Cuernavaca, rien ne sert d’être plus catholique que le pape, ou, en l’occurrence, plus honnête que le politicien le moins mafieux d’une ville en pleine déliquescence, gangrenée par la corruption, où les fusillades, enlèvements, assassinats et règlements de compte entre gangs rivaux sont, comme le pain, quotidiens. Jésus comprend rapidement que, pour s’imposer, il devra s’asseoir lourdement sur ses convictions puristes, comme si être pourri était le sésame sine qua non pour entrer dans l’arène de la politique mexicaine. Harcelé, menacé tant par le pouvoir corrompu que par les gangs de narcos – qui d’ailleurs s’unissent en choeur dans des jeux d’alliance mouvants et sordides –, notre doux agneau doit, malgré lui et pour sauver sa peau, mettre le doigt dans l’engrenage, puis la main, puis… Puis, comme si gagner la mairie n’était pas un travail suffisamment herculéen, le côté pile de Jésus rend sa vie privée encore plus compliquée. Un soir qu’il errait dans les bas-fonds de la ville, il embarque un travesti prostitué dans sa voiture. Passion interdite, amour honteux dans ce pays machiste, scandale et ruine de sa future carrière si cela se savait.

Evidemment, la cloison entre vie publique et privée ne sera pas étanche…

On voudrait que cette histoire ne soit qu’une fiction et ne pas croire que la vie politique au Mexique est à ce point misérable. Pourtant, dans ce roman qui se lit comme un thriller, l’auteur dénonce cette situation d’une invraisemblable… vraisemblance avec un humour noir qui rit jaune, et dézingue avec virulence l’homophobie et le foutoir ravageur et ravagé de la classe (si on peut dire) politique de son pays.

Un roman édifiant, effarant et désespérant, parce qu’il faudra bien davantage qu’une double vie pour remédier à ces « circonstances plus que mexicaines »*.

*expression empruntée à Oscar Benassini dans sa chronique de La Doble vida de Jésus, publiée dans le journal mexicain Excelsior

En partenariat avec les éditions Métailié.

Présentation par l’éditeur:

La ville de Cuernavaca est une poudrière dont tous les niveaux ont été infiltrés par les narcotrafiquants. La vie quotidienne est ponctuée par les échanges de coups de feu, la découverte de cadavres décapités, les cartels se disputent la place. Comment un homme disposé à défendre ses convictions jusqu’au bout, à mettre en pratique ses idéaux de légalité et de justice, peut-il se battre sur ce terrain miné ? Jesús a su, malgré la corruption ambiante, se tenir à l’écart des factions qui utilisent le pouvoir à des fins personnelles. Et il pense qu’il peut accéder à la mairie.

Il va se retrouver dos au mur, pris entre les pouvoirs institutionnels et le crime organisé : menaces de mort, tentatives de corruption, scandales médiatiques, enlèvements, vengeances sanglantes? Mais dans le même temps il découvre l’amour de sa vie, un amour interdit et scandaleux, fatal pour la réputation d’un homme politique.

Avec un humour ravageur, cruel comme la réalité qu’il décrit avec un incroyable sens du suspense, Enrique Serna écrit un roman d’amour fou où la morale des apparences s’effondre devant l’ouragan de la passion.

Evaluation :

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