Auteur: Bakhtiar Ali
Editeur: Métailié – 29 août 2019 (320 pages)
Prix Nelly Sachs 2017
Lu en août 2019
Mon avis: Mouzaffar est un ancien officier des peshmergas (la branche armée du mouvement national kurde en Irak). Emprisonné pendant 21 ans dans le désert, il n’a jamais connu son fils Saryas, né quelques jours avant son arrestation. A sa libération, il n’a de cesse de le retrouver. Mais le pays qu’il connaissait n’existe plus, dévasté par la guerre interminable que se livrent les combattants kurdes et l’armée irakienne. Lors de sa quête, il fait la connaissance de quelques personnages étranges, voire fabuleux, tous plus ou moins prisonniers, qui d’une forteresse ennemie, qui de son corps, d’un désir d’amour, ou d’un pacte d’amitié intangible. Chacun d’eux a quelque chose à révéler à propos de Saryas, l’insaisissable. Mouzzafar découvre aussi l’existence de trois grenades de verre qui, comme les cailloux du Petit Poucet, lui montreront un chemin, ainsi que celle du dernier grenadier du monde, un arbre au sommet d’une montagne, sous lequel sont enfouis des rêves impossibles. Peu à peu, il reconstituera par bribes l’histoire de son fils, cet être multiple, et de ce qui lui est arrivé, ou pas, ou pas encore, et il connaîtra dans sa quête des moments cruels, beaux, et encore plus cruels.
« Le dernier grenadier du monde » est un roman envoûtant qui vous emmène dans sa trame sinueuse au fil d’une imagination digne des Mille et Une Nuits. C’est un conte oriental poétique et puissant, marqué par les souffrances de la guerre et par la folie des hommes qui sépare les pères de leurs enfants. Il faut lâcher prise et se laisser porter par la plume de l’auteur et plonger dans un imaginaire riche, teinté de réalisme magique. Une plongée longue, parfois ardue, mais fascinante et bouleversante, qui explore les récifs où affleurent la vie, la mort, la séparation, la beauté, la trahison, la violence, le pouvoir, le désespoir et la liberté.
En partenariat avec les Editions Métailié.
Présentation par l’éditeur:
Mouzaffar, officier supérieur des Peshmergas, n’a jamais connu son fils qui n’avait que quelques jours au moment où il sauve la vie de son meilleur ami, célèbre chef révolutionnaire kurde. Cette action lui vaut vingt et un ans de captivité à l’isolement dans le désert.
Quand il retrouve la liberté, il s’embarque pour un voyage dans le champ de mines qu’est devenu son pays, qu’il ne reconnaît plus. Un voyage, à la recherche de son fils, dans les histoires de ses amis et leurs secrets. Il va y découvrir l’existence de trois fragiles grenades de verre, qui le guideront dans sa quête, écouter chanter deux sœurs énigmatiques et fortes, apprendre l’histoire cruelle de la “guerre des charrettes” du bazar et de leur jeune Maréchal. Comprendre jusqu’où peut aller la trahison des puissants et l’insoutenable douleur de la guerre. Un voyage qui l’amène à faire ce que des milliers d’autres ont fait avant lui : traverser la Méditerranée, pour aller en Europe.
Dans ce texte magnifiquement poétique, Mouzaffar apprend à écouter le désert, le vent et le sable qui sont ses seuls interlocuteurs pendant sa captivité. Mais le retour à la réalité se fait aussi par un récit plein de maisons enchantées, de personnages fantastiques et touchants, qui emportent le lecteur dans un autre Orient. Toutefois entièrement impliqué dans l’époque moderne.
Une citation:
– Cette nuit-là je compris les malheurs que la disparition et l’impréparation d’un homme pouvaient causer. Je compris combien était grande, étrange et importante la place de l’homme sur cette terre. L’homme qui, une fois qu’il est né, laisse pour toujours des traces claires dans la vie des autres. La vie n’est rien d’autre qu’une chaîne éternelle, continue, ininterrompue. Nous sommes ici perdus au beau milieu de cette mer immense et n’arriverons nulle part. Mais maintenant notre vie, notre mort, notre présence, notre disparition agissent sur toutes les créatures de cette terre d’une façon inédite et inouïe. […] L’homme qui, une fois né, intègre alors une grande chaîne devient le maillon d’une chaîne infinie. Chaque fois qu’un chaînon est rompu, plusieurs autres séries de pièces de cette chaîne tombent. Chaque fois qu’une série de pièces tombe, l’aspect et la place de tous les autres maillons au sein de la chaîne changent. La disparition et la mort d’un homme recomposent d’une manière différente la forme de toute vie sur terre … La disparition d’un homme peut ruiner la mesure de l’ensemble des vies.[…] L’homme est une étoile que nous ne devons pas laisser tomber parce qu’elle ne tombe pas seule.