Auteur: Lion Feuchtwanger
Editeur: Métailié – 17 février 2023 (400 pages)
Lu en février 2023
Mon avis: Berlin, novembre 1932. Depuis plusieurs générations, la famille Oppermann est à la tête d’une entreprise florissante, active dans le commerce de mobilier bon marché. Trois frères et une sœur, proches de la cinquantaine, en sont les actionnaires actuels, mais seul Martin s’occupe réellement de gérer l’activité commerciale. Gustav, le seul à être célibataire et sans enfants, s’intéresse bien davantage à la poésie et la littérature et à sa jeune maîtresse, tandis qu’Edgar, éminent chirurgien laryngologue, se dévoue à ses patients et à sa clinique. Quant à Klara, elle se contente d’assurer son rôle de femme au foyer.
Dans cette famille juive bourgeoise aisée et respectée, chacun se considère Allemand, bien ancré dans sa patrie depuis des dizaines d’années.
Mais ce sentiment d’appartenance est de plus en plus contesté, à mesure que le nazisme et l’antisémitisme gagnent du terrain. Cependant, à ce moment, peu nombreux sont ceux qui, dans la communauté juive, prennent au sérieux les braillements hystériques d’Hitler. Ainsi, à la charnière de 1932-1933, chez les Oppermann, tout l’éventail des opinions est représenté, de l’incrédulité totale (les choses vont se calmer après les élections, le parti d’Hitler ne gagnera jamais, quel intérêt auraient les « völkisch » à éliminer les juifs,…) au pessimisme le plus sombre (il faut quitter l’Allemagne au plus vite en sauvant ce qui peut encore l’être, on ne veut plus de nous ici, il faut émigrer, en Palestine ou ailleurs,…).
Et puis Hitler est nommé chancelier, son parti remporte les législatives, et le pire est à venir. Les plus naïfs ouvrent finalement, tardivement, douloureusement les yeux et prennent progressivement conscience, jusque dans leur corps pour les plus malchanceux, du « sadisme organisé, [du] système d’humiliations d’une ingéniosité raffinée, [de] l’anéantissement bureaucratisé de la dignité humaine » mis en œuvre par les partisans de l’ordre nouveau dans lequel les juifs n’ont aucune place.
« Les enfants Oppermann » est un roman extraordinaire, sidérant de justesse et de lucidité, visionnaire, prémonitoire. Publié en 1933, il a donc été écrit en temps réel, sur base de témoignages d’exilés, par un Lion Feuchtwanger tout juste réfugié en France. Son objectif était d’ « informer les plus rapidement possible ses lecteurs du vrai visage et des dangers de la domination des nazis ».
Sur près de 400 pages, ce livre raconte la montée en puissance des nazis, la façon dont leur idéologie a infusé sournoisement dans la population, dans un pays mis à mal par la crise économique et encore meurtri par le camouflet du traité de Versailles. D’une lecture accessible et addictive, ce roman est poignant, percutant, désespérant, puissant. Et à notre époque de repli sur soi et de montée des nationalismes, il n’a rien perdu de sa force ni de sa pertinence.
En partenariat avec les Editions Métailié.
Présentation par l’éditeur:
Lorsque Lion Feuchtwanger publia Les Enfants Oppermann en 1933, il avait déjà quitté l’Allemagne et vivait à Sanary-sur-Mer. Il déclarait vouloir avec ce roman « informer le plus rapidement possible ses lecteurs du vrai visage et des dangers de la domination des nazis ». Écrit en temps réel pendant que les nazis consolidaient leur pouvoir, ce grand livre montre la chute de l’Allemagne de Weimar à travers les yeux d’une famille juive bourgeoise, d’abord incrédule en raison de son statut social et culturel, puis choquée et paralysée par une idéologie qui leur est incompréhensible.
Ce roman, traduit en français à sa sortie mais indisponible et introuvable en France depuis la Seconde Guerre mondiale, est internationalement reconnu comme l’une des œuvres les plus percutantes et lucides sur la montée du fascisme. Un grand classique de la littérature allemande sur un sujet qui reste aussi important et actuel qu’il l’était à l’époque. Un roman visionnaire dont le sens dramatique n’a pas diminué et dont la force ébranle le lecteur.
Une citation:
– De tout temps, les Allemands ont été enclins à remplacer le droit écrit par l’autorité d’un chef. Dès l’époque romaine, ils avaient estimé qu’un droit contraignant pour tous était contraire à l’honneur de chacun et s’ils haïssaient les Romains, ce n’était pas parce qu’ils voulaient introduire chez eux le droit romain, mais le droit tout simplement. Aux décrets dictés par la raison ils préféraient le jugement arbitraire d’un supérieur auquel ils accordaient foi. Pr le Führer approuvait hélas le meurtre. Le Führer saluait comme des camarades les völkisch condamnés pour l’assassinat bestial d’un ouvrier. C’est le genre de choses qui renforçait le peuple dans le sentiment que ce n’est pas le verdict d’un tribunal qui compte, mais le seul « instinct » du Führer.
j’ai vu passer ce livre chez l’éditeur et je l’ai aussitôt pointé, j’aime les romans qui parle de la montée des idéologie pour mieux comprendre
heureuse de découvrir ce blog que je vais allée visiter à petite dose
Merci beaucoup pour votre message! j’espère que vous trouverez des idées de lectures sur le blog! 🙂