Auteure: Taina Tervonen
Editeur: Marchialy – 8 janvier 2025 (200 pages)
Lu en décembre 2024
Mon avis: De temps à autre, il est question dans l’actualité d’un énième naufrage de bateau de migrants en Méditerranée ou quelque part entre les côtes africaines et les îles Canaries.
Pourtant, ce qui apparaît dans les médias ne représente que la partie émergée d’un iceberg qui semble en constante expansion. Taina Tervonen explique que « La migration est devenue un sujet de plus en plus difficile à aborder dans la presse, et les médias rechignent à financer des enquêtes au long cours, coûteuses et chronophages. Que des gens meurent en mer n’a rien d’un scoop. C’est devenu le cours normal de la vie, une actualité qui ne mérite presque plus d’être chroniquée. Il n’y a guère que le spectaculaire qui suscite encore l’attention : un naufrage particulièrement meurtrier, suffisamment proche des côtes européennes, mettant en cause des responsabilités européennes, comme cela a été le cas pour le naufrage de l’Adriana en juin 2023, au large des côtes grecques. Plus de 600 personnes ont péri ce jour-là, suite aux manœuvres des garde-côtes grecs tentant de remorquer le bateau pour l’éloigner des eaux territoriales du pays ».
Pour éclairer sous un autre angle ce sujet banalisé en Europe, l’autrice, également journaliste, a décidé de dresser le portrait et de restituer les récits de cinq veilleurs, cinq hommes et femmes, en France, en Espagne, au Sénégal qui, à distance, aident les candidats à la traversée. Via le bouche à oreille et les réseaux sociaux, ils ont peu à peu construit un réseau informel d’entraide. Quand une traversée se décide, ils fournissent aux migrants les prévisions météo puis, une fois le bateau en route, ils suivent son trajet et restent en contact téléphonique avec une personne à bord jusqu’à l’arrivée au port ou des secours, ou jusqu’au drame. Ils alertent les garde-côtes en cas de naufrage. Et quand un bateau disparaît des radars, ils sont contactés par les proches des passagers pour tenter de retrouver leurs traces.
Avec eux, Taina Tervonen a été témoin, depuis son salon, de l’horreur (« J’ai entendu un de ces appels de détresse, quatorze secondes de terreur condensée, des cris, « on est en train de mourir », un enfant en arrière-plan qui hurle comme un enfant qui a compris que les adultes ne sont plus maîtres de la situation. »), qui se déroule dans l’indifférence générale des médias et des gouvernements. Pire, c’est aussi le cynisme de ces derniers qui contribue à empiler les cadavres sur les fonds marins. Par exemple, les garde-côtes espagnols ne peuvent/veulent intervenir hors de leurs eaux territoriales, alors que parfois ils sont bien plus proches du bateau en danger que leurs homologues marocains…
Au-delà de l’aide directe aux migrants ou à leurs familles, les veilleurs font aussi œuvre documentaire : ils tiennent une comptabilité aussi rébarbative que morbide : des registres avec des noms de bateaux, des dates, des nombres et des noms de personnes à bord, hommes, femmes, enfants, arrivés à bon port ou portés disparus…
Dans son livre, Taina Tervonen met en lumière quelques-uns de ces êtres qui n’ont renoncé ni à l’humanité ni à l’espoir, et qui résistent dans l’ombre pour qu’on n’oublie pas ceux et celles qui meurent échoués à nos frontières.
Un livre plus glaçant que les eaux de l’Atlantique en plein hiver, et nécessaire. « …il existe, partout dans le monde, des veilleurs et des veilleuses, des résistant.es de l’ombre qui, à titre individuel, œuvrent pour plus d’humanité aux frontières et de respect pour les morts. Si vous en croisez un ou une, écoutez ce qu’il ou elle a à vous raconter, et ne laissez pas l’histoire mourir dans vos mains ».
En partenariat avec les Editions Marchialy via Netgalley.
#LesVeilleurs #NetGalleyFrance
Présentation par l’éditeur:
Des résistants de l’ombre œuvrent pour plus d’humanité sur les routes maritimes de l’exil.
Les veilleurs peuvent donner la météo marine pour empêcher des naufrages, échanger avec les personnes en exil, alerter les gardes-côtes ou, bien trop souvent, accompagner les proches dans la recherche d’un disparu. Leurs gestes sont urgents, méthodiques et quotidiens. À cinq, ils forment un réseau informel qui porte secours aux personnes déterminées à tenter la traversée vers l’Europe.
À travers leurs voix, Taina Tervonen se fait l’écho de ce dont ils sont témoins : des hommes, des femmes, des enfants disparaissent sans laisser de traces, dans l’indifférence totale. Alors que la presse se désintéresse du sujet et que les États ferment les yeux, elle livre un récit nécessaire pour attirer l’attention sur l’ampleur de la catastrophe en cours à nos frontières. Les Veilleurs sont les portraits de ces citoyens porteurs d’espoir qui agissent et documentent ce que personne ne veut voir.