Auteur: Négar Djavadi
Éditeur: Liana Lévi (piccolo) – 2018 (352 pages)
Prix du Style 2016 – Prix Roman News 2017
Lu en mai 2020
Mon avis: Déracinée, désorientée, rêvant au fond de se « désorientaliser », Kimiâ, la narratrice, environ 35 ans, semble, aujourd’hui, avoir trouvé un sens à sa vie. Assise dans la salle d’attente d’un hôpital parisien, elle patiente, et laisse les souvenirs affluer. A l’image de sa vie mouvementée, ils reviennent dans le désordre, se bousculent au portillon de son esprit, se chamaillent à qui sera remémoré le premier. Et comme ils sont accompagnés d’une foule d’émotions, cela est d’autant plus compliqué à discipliner dans une narration linéaire. Kimiâ tente la manière rationnelle, chronologique, mais il suffit d’un rien, d’un mot pour déclencher une association d’idées, pour ouvrir un tiroir, et voilà le récit projeté 60 ans en arrière puis 25 ans en avant. Kimiâ est en France depuis l’âge de dix ans. D’origine iranienne, elle a fui son pays dans le sillage de ses parents, intellectuels bourgeois et opposants politiques au régime du Shah puis à celui de Khomeini. Mais évoquer son exil ne va pas sans évoquer son enfance en Iran, qui ne va pas sans évoquer le passé de sa famille sur trois générations, avant d’en revenir au déracinement. A l’espoir d’arriver dans un pays accueillant pétri de l’esprit des Lumières succède la déception de se heurter à l’incompréhension, l’indifférence, aux différences culturelles irréductibles. Alors vient le désir de tout oublier des horreurs vécues, de sa culture d’origine, de ne plus en parler et de tout cacher sous un tapis, histoire de s’occidentaliser, d’avoir enfin la paix et de se fondre dans la masse pour avancer avec elle, même sans savoir où, quitte à se détacher de sa famille, restée accrochée au passé.
« Désorientale » est un premier roman (fort autobiographique, j’imagine) qui veut dire beaucoup de choses en même temps (exil, dictature, résistance, machisme, identité, maternité, homosexualité, transmission, force et vulnérabilité, courage,…), ce qui comporte le risque d’en faire un brouhaha fourre-tout bavard et superficiel. Mais c’est loin d’être le cas ici. Certes la narration part dans tous les sens et on s’y perd un peu dans la généalogie, mais cela ne m’a pas dérangée. Au contraire, la construction est bien maîtrisée, greffant en discontinu l’histoire de la famille et du pays de la narratrice sur le fil rouge de sa vie actuelle. C’est même justement ce désordre apparent qui donne au roman ce ton si sincère et humain. Comme un bazar oriental, ce livre est extrêmement vivant, bariolé, intense et captivant.
Présentation par l’éditeur:
Si nous étions en Iran, cette salle d’attente d’hôpital ressemblerait à un caravansérail, songe Kimiâ. Un joyeux foutoir où s’enchaîneraient bavardages, confidences et anecdotes en cascade. Née à Téhéran, exilée à Paris depuis ses dix ans, Kimiâ a toujours essayé de tenir à distance son pays, sa culture, sa famille. Mais les djinns échappés du passé la rattrapent pour faire défiler l’étourdissant diaporama de l’histoire des Sadr sur trois générations: les tribulations des ancêtres, une décennie de révolution politique, les chemins de traverse de l’adolescence, l’ivresse du rock, le sourire voyou d’une bassiste blonde…
Une fresque flamboyante sur la mémoire et l’identité; un grand roman sur l’Iran d’hier et la France d’aujourd’hui.
Pour ma part j’ai trouvé que bien souvent les multiples sujets évoqués sont juste survolés et manquent de profondeur…