Auteur: Jean Marc Turine
Editeur: Editions Esperluète – 2017 (224 pages)
Prix des Cinq Continents de la Francophonie 2018
Lu en novembre 2023
Mon avis: Théodora est vieille, elle ne marche plus, elle ne voit plus, mais elle a toute sa tête. Alors elle se souvient. Née dans une famille tsigane sur les bords du Danube au début du siècle précédent, elle n’échappe pas aux traditions des Roms, et se retrouve mariée à 15 ans à un homme qu’elle n’aime pas et n’aimera jamais, brutal et fort en gueule, si différent d’Aladin, son doux et tendre accordéoniste, son amour d’une vie.
Mais les turpitudes de sa vie de femme bridée par le patriarcat ne sont rien à côté des horreurs qui annoncent la seconde guerre mondiale. Comme les Juifs, les Tsiganes sont discriminés, brimés, humiliés, avant d’être déportés en masse et exterminés dans les camps.
Et après la guerre, il y a la paix, puis le communisme et son oppression, et l’hésitation : passer à l’Ouest ?
S’ensuivent errances, séparations, retrouvailles, rencontres, drames, entremêlés de quelques trop fugaces moments de bonheur et de lumière. En roulotte ou en bateau, sur les routes, les fleuves et les océans, Théo avance sans répit, même si ses voyages ressemblent parfois à des fuites. Jusqu’au jour où elle décide de rentrer au pays, pour mourir près de sa source, son Danube.
Dans ce texte à la fois roman mélancolique sur le destin tragique des Roms, et poème épique sur l’errance, l’exil et la souffrance sans fin, l’auteur se fait le chantre de la cause tsigane. S’il a le mérite de (re)mettre en lumière les atrocités subies par ce peuple au long des siècles, ce roman sinueux, à l’atmosphère floue, se perd dans de trop nombreuses envolées lyriques pour que je l’apprécie pleinement.
#LisezVousLeBelge
Présentation par l’éditeur:
La vieille Théodora ne marche plus, elle ne voit plus. Mais elle se souvient et raconte. Elle nous parle de sa vie, de ses rencontres, ses amours, ses espoirs, mais aussi ses errances, ses drames et ses désillusions.
Théodora est une enfant du fleuve. Née Rom, elle a voyagé au gré des vents. Traversant le temps, elle a vécu plusieurs vies. Née à l’aube du XXe siècle, elle le traverse tout entier. Temps de guerres, de communisme, d’oppressions répétées, l’histoire des Roms se révèle au fil du roman et se confond avec celle du siècle.
Naître femme, c’est s’exposer à la tutelle des pères et des maris, Théodora le comprendra vite. Tout comme elle pressentira aussi que par la lecture et l’écriture, elle échappera à la fatalité. Aladin, le tendre amant, Nahum, le fils d’élection, Joseph, le marin, croiseront sa route. Personnages lumineux, ils partageront un temps sa vie avant qu’elle ne reprenne la route et construise sa destinée.
La force du travail de Jean Marc Turine, depuis ses premiers textes, réside dans son souci de donner la parole aux sans-voix, aux opprimés, aux victimes et de se dresser, sans relâche, contre la guerre et l’exclusion.
Par une écriture juste et engagée qui donne de la force à ce récit, il dénonce l’exil forcé, les brimades, l’injustice… Les voix du récit s’entremêlent pour nous emporter dans une histoire forte et entière, qui ne laisse pas le lecteur indifférent et le pousse à reconsidérer les questions de l’exil et de l’exclusion à la lumière de l’histoire contemporaine.