Auteur: Luis Sepúlveda
Editeur: Métailié – 12 septembre 2019 (128 pages)
Lu en septembre 2019
Mon avis: « On raconte beaucoup d’histoires au sud du monde« .
Par exemple celle d’une vieille baleine blanche, un cachalot couleur de lune. Approchez de votre oreille un coquillage ramassé sur une plage chilienne et écoutez cette voix venue de la nuit des temps… La baleine parle…
Depuis l’aube du monde, les baleines blanches se transmettent une mission, née d’un pacte mythique avec les Gens de la Mer : protéger les eaux du détroit qui sépare la côte et l’île sacrée de Mocha. C’est sur cette île que les Gens de la Mer emmènent leurs morts, et c’est là qu’ils se rassembleront tous quand viendront la fin des temps et le moment de partir au-delà de l’horizon, guidés par la baleine blanche. Mais depuis le 19ème siècle, cette croyance, ce pacte séculaire sont bouleversés par l’arrivée des baleiniers dans la région. Là où les Gens de la Mer ne prennent à la Nature que ce dont ils ont besoin pour vivre tout en la remerciant du fond de leurs âmes, les hommes des baleiniers ne sont que convoitise, ingratitude et irrespect. Mais ils comprendront vite, à leurs dépens, que la baleine blanche se battra pour les chasser de ce sanctuaire. Ils la nommeront Mocha Dick, et celle-ci, implacable justicière, leur livrera une guerre sans merci.
Pour une fois, la parole est donc donnée à la baleine et non aux baleiniers, n’en déplaise à Melville. A travers elle, Luis Sepúlveda évoque quelques-uns de ses thèmes de prédilection, le respect et la conservation de la nature, les peuples autochtones, la cupidité des étrangers, la résistance. Le texte, illustré par les dessins en noir et blanc de Joëlle Jolivet, est très simple, délicat, poétique, beau à en pleurer de désespoir, parce que les hommes n’ont toujours pas appris la leçon. Tant qu’ils exploiteront sauvagement la Nature, avec « convoitise et ingratitude », celle-ci se vengera, encore et encore…
Et l’on se demande si un jour, guidés par une baleine passeuse d’âmes,
les Gens de la Mer s’en iront dormir dans le paradis blanc,
Où les nuits sont si longues qu’on en oublie le temps
Tout seuls avec le vent
Comme dans leurs rêves d’enfant
Ils s’en iront courir dans le paradis blanc
Loin des regards de haine
Et des combats de sang
Retrouver les baleines
Parler aux poissons d’argent
Comme, comme, comme avant…
En partenariat avec les Editions Métailié.
Présentation par l’éditeur:
Du coquillage ramassé par un enfant sur une plage du sud du monde s’élève une voix chargée de souvenirs et de sagesse. La voix de la baleine blanche, l’animal mythique qui a pendant des décennies protégé les eaux entre la côte et l’île sacrée des Gens de la Mer.
Le cachalot couleur de lune, la plus grande créature de l’océan, a connu l’immense solitude et la profondeur des abîmes et s’est fidèlement consacré à la mission que lui a confiée un autre cachalot plus ancien. Une mission mystérieuse et importante, issue du pacte qui lie les baleines aux Gens de la Mer: la baleine couleur de lune doit protéger cette partie de la mer des étrangers qui viennent avec leurs bateaux pour s’emparer de tout sans respecter l’ordre de la nature.
Jusqu’à présent, ce sont les baleiniers qui ont raconté l’histoire de la terrible baleine blanche, mais c’est son tour maintenant de parler et sa voix nous arrive du fond des temps comme le langage de la mer.
Un grand texte beau et fort.
Une citation:
– [La baleine blanche parle, à propos d’un bateau qui en attaque un autre:] Dans cette rencontre en mer le comportement des hommes me parut très étrange. La minuscule sardine n’attaque pas une autre sardine, la lente tortue n’attaque pas une autre tortue, le requin vorace n’attaque pas un autre requin. Il semble que les hommes sont la seule espèce qui attaque ses semblables, et je n’ai pas aimé ce que j’ai appris d’eux.
Quelle jolie critique ! Et je chanterai bien aussi comme avant…
Merci Mimi!